er promptement au Caire. Desaix marchait avec l'avant-garde; le
corps de bataille suivait a quelques lieues de distance. On s'ebranla le
18 messidor (6 juillet). Quand les soldats se virent engages dans cette
plaine sans bornes, avec un sable mouvant sous les pieds, un ciel
brulant sur la tete, point d'eau, point d'ombre, n'ayant pour reposer
leurs yeux que de rares bouquets de palmiers, ne voyant d'etres vivans
que de legeres troupes de cavaliers arabes, qui paraissaient et
disparaissaient a l'horizon, et quelquefois se cachaient derriere
des dunes de sable pour egorger les trainards, ils furent remplis de
tristesse. Deja le gout du repos leur etait venu, apres les longues et
opiniatres campagnes d'Italie. Ils avaient suivi leur general dans une
contree lointaine, parce que leur foi en lui etait aveugle, parce qu'on
leur avait annonce une terre promise, de laquelle ils reviendraient
assez riches pour acheter chacun un champ de six arpens. Mais quand ils
virent ce desert, le mecontentement s'en mela, et alla meme jusqu'au
desespoir. Ils trouvaient tous les puits, qui de distance en distance
jalonnent la route du desert, detruits par les Arabes. A peine y
restait-il quelques gouttes d'une eau saumatre, et tres insuffisante
pour etancher leur soif. On leur avait annonce qu'ils trouveraient a
Damanhour des soulagemens; ils n'y rencontrerent que de miserables
huttes, et ne purent s'y procurer ni pain ni vin, mais seulement
des lentilles en assez grande abondance et un peu d'eau. Il fallut
s'enfoncer de nouveau dans le desert. Bonaparte vit les braves Lannes
et Murat eux-memes saisir leurs chapeaux, les jeter sur le sable, les
fouler aux pieds. Cependant il imposait a tous: sa presence commandait
le silence, et faisait quelquefois renaitre la gaiete. Les soldats ne
voulaient pas lui imputer leurs maux; ils s'en prenaient a ceux qui
trouvaient un grand plaisir a observer le pays. Voyant les savans
s'arreter pour examiner les moindres ruines, ils disaient que c'etait
pour eux qu'on etait venu, et s'en vengeaient par de bons mots a leur
facon. Caffarelli surtout, brave comme un grenadier, curieux comme un
erudit, passait a leurs yeux pour l'homme qui avait trompe le general,
et qui l'avait entraine dans ce pays lointain. Comme il avait perdu une
jambe sur le Rhin, ils disaient: _Il se moque de ca lui, il a un pied en
France._ Cependant, apres de cruelles souffrances, supportees d'abord
avec humeur, puis avec gaiete et courage, on
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