ete, que, vers 1780
et dans les annees qui suivent, nous trouvons trois talents occupes du
meme sujet et visant chacun a la gloire difficile d'un poeme sur la
nature des choses. Le Brun tentait l'oeuvre d'apres Buffon; Fontanes,
dans sa premiere jeunesse, s'y essayait serieusement, comme l'attestent
deux fragments, dont l'un surtout (tome I de ses Oeuvres, p. 381) est
d'une reelle beaute. Andre Chenier s'y poussa plus avant qu'aucun, et,
par la vigueur des idees comme par celle du pinceau, il etait bien digne
de produire un vrai poeme didactique dans le grand sens.
Mais la Revolution vint; dix annees, fin de l'epoque, s'ecoulerent
brusquement avec ce qu'elles promettaient, et abimerent les projets ou
les hommes; les trois _Hermes_ manquerent: la poesie du XVIIIe siecle
n'eut pas son Buffon. Delille ne fit que rimer gentiment les _trois
Regnes_.
Toutes les notes et tous les papiers d'Andre Chenier, relatifs a son
_Hermes_, sont marques en marge d'un delta; un chiffre, ou l'une des
trois premieres lettres de l'alphabet grec, indique celui des trois
chants auquel se rapporte la note ou le fragment. Le poeme devait avoir
trois chants, a ce qu'il semble: le premier sur l'origine de la
terre, la formation des animaux, de l'homme; le second sur l'homme
en particulier, le mecanisme de ses sens et de son intelligence, ses
erreurs depuis l'etat sauvage jusqu'a la naissance des societes,
l'origine des religions; le troisieme sur la societe politique, la
constitution de la morale et l'invention des sciences. Le tout devait
se clore par un expose du systeme du monde selon la science la plus
avancee.
Voici quelques notes qui se rapportent au projet du premier chant et le
caracterisent:
"Il faut magnifiquement representer la terre sous l'embleme metaphorique
d'un grand animal qui vit, se meut et est sujet a des changements, des
revolutions, des fievres, des derangements dans la circulation de son
sang."
"Il faut finir le chant Ier par une magnifique description de toutes
les especes animales et vegetales naissant; et, au printemps, la terre
_proegnans_; et, dans les chaleurs de l'ete, toutes les especes animales
et vegetales se livrant aux feux de l'amour et transmettant a leur
posterite les semences de vie confiees a leurs entrailles."
Ce magnifique et fecond printemps, alors, dit-il,
Que la terre est nubile et brule d'etre mere,
devait etre imite de celui de Virgile au livre II des _Georgiques_: _Tum
Pater omnip
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