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nquerants, les bouleversements
successifs des invasions, des conquetes, d'ici, de la...). Les hommes ne
font attention a ce roulis perpetuel que quand ils en sont les victimes:
il est pourtant toujours. L'homme ne juge les choses que dans le rapport
qu'elles ont avec lui. Affecte d'une telle maniere, il appelle un
accident un bien; affecte de telle autre maniere, il l'appellera un mal.
La chose est pourtant la meme, et rien n'a change que lui.
Et si le bien existe, il doit seul exister!"
Je livre ces pensees hardies a la meditation et a la sentence de chacun,
sans commentaire. Andre Chenier rentrerait ici dans le systeme de
l'optimisme de Pope, s'il faisait intervenir Dieu; mais comme il s'en
abstient absolument, il faut convenir que cette morale va plutot a
l'ethique de Spinosa, de meme que sa physiologie corpusculaire allait a
la philosophie zoologique de Lamarck.
Le poete se proposait de clore le morceau des sens par le developpement
de cette idee: "Si quelques individus, quelques generations, quelques
peuples, donnent dans un vice ou dans une erreur, cela n'empeche que
l'ame et le jugement du genre humain tout entier ne soient portes a la
vertu et a la verite, comme le bois d'un arc, quoique courbe et plie un
moment, n'en a pas moins un desir invincible d'etre droit et ne s'en
redresse pas moins des qu'il le peut. Pourtant, quand une longue
habitude l'a tenu courbe, il ne se redresse plus; cela fournit un autre
embleme:
. . . . Trahitur pars longa catenae (_Perse_)[54].
. . . . . . . .Et traine
Encore apres ses pas la moitie de sa chaine."
[Note 54: Satire V: l'image, dans Perse, est celle du chien qui,
apres de violents efforts, arrache sa chaine, mais en tire un long bout
apres lui.]
Le troisieme chant devait embrasser la politique et la religion utile
qui en depend, la constitution des societes, la civilisation enfin, sous
l'influence des illustres sages, des Orphee, des Numa, auxquels le
poete assimilait Moise. Les fragments, deja imprimes, de l'_Hermes_, se
rapportent plus particulierement a ce chant final: aussi je n'ai que peu
a en dire.
"Chaque individu dans l'etat sauvage, ecrit Chenier, est un tout
independant; dans l'etat de societe, il est partie du tout; il vit de
la vie commune. Ainsi, dans le chaos des poetes chaque germe, chaque
element est seul et n'obeit qu'a son poids; mais quand tout cela est
arrange, chacun est un tout a part, et en meme temps une partie du grand
tout. C
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