t, j'ai connu
d'autre passion
Que l'amour des humains et de la verite!"
Ce vers final, qui est toute la devise, un peu fastueuse, de la
philosophie du XVIIIe siecle, exprime aussi l'entiere inspiration de
l'_Hermes_. En somme, on y decouvre Andre sous un jour assez nouveau,
ce me semble, et a un degre de passion philosophique et de proselytisme
serieux auquel rien n'avait du faire croire, de sa part, jusqu'ici. Mais
j'ai hate d'en revenir a de plus riantes ebauches, et de m'ebattre avec
lui, avec le lecteur, comme par le passe, dans sa renommee gracieuse.
Les petits dossiers restants, qui comprennent des plans et des esquisses
d'idylles ou d'elegies, pourraient fournir matiere a un triage complet;
j'y ai glane rapidement, mais non sans fruit. Ce qu'on y gagne surtout,
c'est de ne conserver aucun doute sur la maniere de travailler d'Andre;
c'est d'assister a la suite de ses projets, de ses lectures, et de
saisir les moindres fils de la riche trame qu'en tous sens il preparait.
Il voulait introduire le genie antique, le genie grec, dans la poesie
francaise, sur des idees ou des sentiments modernes: tel fut son voeu
constant, son but reflechi; tout l'atteste. _Je veux qu'on imite les
anciens_, a-t-il ecrit en tete d'un petit fragment du poeme d'Oppien sur
_la Chasse_[56]; il ne fait pas autre chose; il se reprend aux anciens de
plus haut qu'on n'avait fait sous Racine et Boileau; il y revient comme
un jet d'eau a sa source, et par dela le Louis XIV: sans trop s'en
douter, et avec plus de gout, il tente de nouveau l'oeuvre de
Ronsard[57]. Les _Analecta_ de Brunck, qui avaient paru en 1776, et qui
contiennent toute la fleur grecque en ce qu'elle a d'exquis, de simple,
meme de mignard ou de sauvage, devinrent la lecture la plus habituelle
d'Andre; c'etait son livre de chevet et son breviaire. C'est de la qu'il
a tire sa jolie epigramme traduite d'Evenus de Paros:
Fille de Pandion, o jeune Athenienne, etc.[58];
et cette autre epigramme d'Anyte:
O Sauterelle, a toi, rossignol des fougeres, etc.[59],
qu'il imite en meme temps d'Argentarius. La petite epitaphe qui commence
par ce vers:
Bergers, vous dont ici la chevre vagabonde, etc.[60],
est traduite (ce qu'on n'a pas dit) de Leonidas de Tarente. En comparant
et en suivant de pres ce qu'il rend avec fidelite, ce qu'il elude, ce
qu'il rachete, on voit combien il etait penetre de ces graces. Ses
papiers sont couverts de projets d'imitations semblables. E
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