iel triste, morne, gris,
paraphe de dessins noirs par les branches depouillees ou s'abat, des que
le soir arrive, le vol bruyant des moineaux. Les villes meridionales,
dont l'ame est le soleil, semblent plus mortes encore que celles du
Nord, quand s'appesantit sur elles le linceul etouffant des nuees que ne
traverse ni rayon de clarte ni rayon vivifiant de chaleur. Elles dorment
un sommeil trouble de cauchemars sous le fouet des ondees et la colere
des ouragans. Plus de chansons et plus d'eclats de rire! Est-ce que
cette desolation est pour durer toujours?--Non! disent les violettes de
leurs levres silencieuses, de leurs petites levres parfumees et toujours
humides comme celles des amoureuses. Il y a longtemps de cela, madame,
j'etais en exil la-bas, et je crois que mon premier present fut un envoi
de ces belles violettes toulousaines. Elles vous parlerent sans doute
pour moi. Car je vous trouvai meilleure au retour et moins cruelle a mon
desir. Vous voyez bien que j'ai raison de les aimer? Nos fleurs d'hiver,
a nous, Parisiens, sont si tristes! Je ne sais si vous partagez ce
sentiment, mais j'ai en horreur le chrysantheme, cette parure des
jardins mondains, dont la duree ne m'interesse pas plus que celle des
fleurs en papier dont les cheminees bourgeoises sont encore decorees au
Marais. Car, eux non plus, les chrysanthemes, n'ont jamais paru vivants
et fremissants sous le zephir et jamais parfum n'a palpite dans leurs
petits petales secs, pointus et serres, pareils qu'ils sont a des
etoiles sans lumiere, a des etoiles terrestres ou ne scintille aucun
celeste regard. Je ne veux pas, rappelez-vous le bien, de ces petits
soleils eteints sur ma tombe. Ils diraient mal le feu que j'emporterai
dans mon coeur plein de vous, comme la braise qui longtemps brille
encore sous les cendres embaumees des encensoirs. Mais, quelquefois,
quand mon souvenir chantera quelque appel mysterieux dans votre memoire,
vous ferez venir un petit bouquet de belles violettes que vous avez
connues par moi, et qui vous ont dit deja, par dela le temps et
l'espace, que je vous aimerai toujours! Il me semble que je serai fort
rejoui de les sentir et qu'a mon tour, elles me parleront de vous, ces
muettes eloquentes dont le langage est un parfum!
* * * * *
Je ne veux pas etre cependant injuste pour nos petites violettes des
bois parisiens qui meurent sous la premiere neige. Nous irons, s'il
vous plait, en cueillir nous-me
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