haleur n'en descendait jusqu'a la terre. Celle-ci etait encore dure
et gelee, crepitante sous le pied et rayee ca et la d'aiguilles de glace
ou bien portant, a l'ombre, de vagues moisissures de neige, comme une
peau d'hermine mangee aux vers. Pas une feuille naissante aux arbres!
Les lilas! un enchevetrement de ramures noires avec, ca et la, un
bourgeon rabougri, refrene, pareil au bout d'une fleche emoussee. Les
seves, inutilement appelees, etaient venues mourir a fleur d'ecorce,
impuissantes a percer l'enveloppe encore lourde de frimas. Oh! j'avais
reve, bien reve! J'avais dit trop vite adieu a mon beau songe. Vous
n'avez pas ete parjure, ma chere ame, le temps n'etait pas encore venu.
Voila tout!
Et tout joyeux de l'horreur encore repandue partout, l'hiver refusant
d'abdiquer, je rentrai bien vite dans la piece a l'atmosphere moite ou
m'attendait le volume interrompu, ou la cigarette eteinte ajoutait sa
melancolie au desordre de ma table de travail.
* * * * *
Decidement j'etais hante. La meme odeur de lilas me courait aux narines.
J'avais repris le _Pays des Reves_ a la page ouverte et, ayant relu
les derniers vers, comme un rameur qui, avant de reprendre sa route,
s'entraine au rythme par une serie de mouvements jumeaux, je tournai
celle-ci. Il en tomba sur mes genoux quelque chose qui etait sans doute
reste colle au verso. Je le ramassai bien vite et tout me fut explique
de l'illusion qui m'etait subitement venue et menacait de me reprendre.
C'etait une toute petite branche de lilas, le sommet d'une grappe
seulement qui avait ete aplatie entre deux feuilles du volume, un bout
de fleur dessechee, mais qui avait garde toute son ame odorante, une de
ces reliques d'amour que les fervents gardent et qui ne font sourire que
les sots. Et l'histoire me revint bien vite de ce rien precieux, une
histoire comme tant d'autres. Vous l'aviez cueillie dans un jardin
defendu, cette petite branche, et je l'avais conservee en memoire de
votre aimable peche, si charmante je vous avais vue, craintive dans le
larcin et tendant vos cheres mains blanches vers la branche trop haute
que je tentais d'abaisser vers vous. C'est en nous quittant seulement
que vous me l'aviez donnee, la petite grappe qui, tout le jour, avait
pendu a votre corsage, bercee par votre souffle, renouvelant au votre
son parfum. Et je l'avais enferme, dans un de mes livres aimes, la ou
j'etais sur de la retrouver, dans un beau cercu
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