l'ile de
Battambang m'etait reste dans l'esprit. Le voici, sans y changer un mot:
_Cette chasse est pratiquee par des chevaux d'une race particuliere, a
demi sauvages et dresses a cet effet. Monte par son cavalier, des que le
cheval apercoit le cerf, il se precipite a sa poursuite avec une vitesse
vertigineuse qui lui permet meme de le depasser. Des qu'il l'a atteint,
il se jette sur lui, il le mord avec rage et l'acheve a coups de sabots.
Comme recompense, on charge la victime sur son dos et il rentre ainsi
triomphant au village...._ J'en avais deja assez de leurs chiens; Medor
et Rustaud etaient deux betes assourdissantes. Et, sans tirer un seul
coup de mon fusil que je pendis a un arbre, je fis venir, avec la
rapidite dont nos voeux disposent dans le reve, un de ces petits chevaux
de l'ile de Battambang pour tenter une chasse vraiment originale et
digne d'un homme qui lit les livres de voyage. J'avais deja enfourche ce
diabolique coursier a la criniere noire comme vos magnifiques cheveux,
ma chere, et il ne me manquait plus qu'un cerf convenable pour le courir
ou pour le courre, comme vous aimerez le mieux. Il faut vous dire que,
ne connaissant pas le chemin de l'ile de Battambang et etant, comme
vous le savez, un peu casanier de nature, j'etais reste dans le bois de
Boulogne, tout simplement, ce bois qui m'est cher pour nos anciennes
promenades.
C'etait un samedi soir, apres le depart des cavaliers et des pietons,
dans une solitude relative que troublait seul le bruit de la respiration
de la grande Ville, sous une belle clarte de lune qui etendait, par
les allees, de grandes nappes d'or pale comme pour inviter les esprits
nocturnes a leur souper habituel, quand les sylphes boivent du vin
d'etoile dans la coupe rapidement formee des vobulis. Je m'abandonnais,
je l'avoue, a mille pensees tres lointaines de la chasse commencee. Je
vous revoyais sous ces belles ombres tranquilles, et la douceur des
premiers aveux chantait autour de moi, dans la musique des branches a
peine detendues par un frisson de brise. Tout a coup, mon petit cheval
dressa furieusement les oreilles; sa criniere se herissa, si haute
qu'elle me fouetta le visage, et, comme fou, il m'emporta a la poursuite
d'une ombre qui fuyait, devant nous, laissant trainer apres elle l'image
allongee et double des appendices jumeaux dont son front etait pare.
C'etait un cerf! un cerf magnifique echappe sans doute du Jardin
d'acclimatation! Ma monture etait comme i
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