rite, mais dans le gout, dans le
respect, dans la superstition de l'erreur, et je quittai mes classes,
bien muni d'arguments contre Notre-Seigneur et contre l'Eglise
catholique.
Elevee comme moi, aussi ignorante que moi, ma femme etait beaucoup
meilleure. Elle avait le sens religieux. Il se developpa lorsqu'elle
devint mere; et, apres la naissance de son premier enfant, elle entra
tout a fait dans la voie. Quand je songe a tout cela, j'ai le coeur
remue d'un sentiment de reconnaissance pour Dieu, dont il me semble
que je parlerais toujours, et que je ne saurais jamais exprimer.
Alors je n'y pensais point. Si ma femme avait ete comme moi, je crois
que je n'aurais pas meme songe a faire baptiser mes enfants. Ces
enfants grandirent. Les premiers firent leur premiere communion, sans
que j'y prisse garde. Je laissais leur mere gouverner ce petit monde,
plein de confiance en elle, et modifie a mon insu par le contact de
ses vertus que je sentais et que je ne voyais pas.
Vint le dernier. Ce pauvre petit etait d'une humeur sauvage, sans
grands moyens; si je ne l'aimais pas moins que les autres, j'etais
cependant dispose a plus de severite envers lui. La mere me disait:
--Sois patient; il changera a l'epoque de sa premiere communion.
Ce changement a heure fixe me paraissait invraisemblable. Cependant
l'enfant commenca a suivre le catechisme, et je le vis en effet
s'ameliorer tres sensiblement et tres rapidement. J'y fis attention.
Je voyais cet esprit se developper, ce petit coeur se combattre,
ce caractere s'adoucir, devenir docile, respectueux, affectueux.
J'admirais ce travail que la raison n'opere pas chez les hommes; et
l'enfant que j'avais le moins aime, me devenait le plus cher.
En meme temps, je faisais de graves reflexions sur une telle
merveille. Je me mis a ecouter la lecon de catechisme. En l'ecoutant,
je me rappelais mes cours de philosophie et de morale: je comparais
cet enseignement avec la morale dont j'avais observe la pratique dans
le monde, helas! sans avoir pu moi-meme toujours m'en preserver. Le
probleme du bien et du mal, sur lequel j'avais evite de jeter les
yeux, par incapacite de le resoudre, s'offrait a moi dans une lumiere
terrible. Je questionnais le petit garcon: il me faisait des reponses
qui m'ecrasaient. Je sentais que les objections seraient honteuses et
coupables. Ma femme observait et ne disait rien; mais je voyais son
assiduite a la priere. Mes nuits etaient sans sommeil. Je compar
|