lient, par le fait meme de son silence, en
faisant allusion a des devoirs moraux que seules des ames
heroiques sont susceptibles de s'imposer. L'eminent avocat ne
parvint qu'a convaincre tout a fait ceux qui connaissaient M.
Darzac, mais les autres resterent hesitants. Il y eut une
suspension d'audience, puis le defile des temoins commenca et
Rouletabille n'arrivait toujours point. Chaque fois qu'une porte
s'ouvrait, tous les yeux allaient a cette porte, puis se
reportaient sur le directeur de _L'Epoque_ qui restait,
impassible, a sa place. On le vit enfin qui fouillait dans sa
poche et qui "en tirait une lettre". Une grosse rumeur suivit ce
geste.
Mon intention n'est point de retracer ici tous les incidents de ce
proces. J'ai assez longuement rappele toutes les etapes de
l'affaire pour ne point imposer aux lecteurs le defile nouveau des
evenements entoures de leur mystere. J'ai hate d'arriver au moment
vraiment dramatique de cette journee inoubliable. Il survint,
comme maitre Henri-Robert posait quelques questions au pere
Mathieu, qui, a la barre des temoins, se defendait, entre ses deux
gendarmes, d'avoir assassine "l'homme vert". Sa femme fut appelee
et confrontee avec lui. Elle avoua, en eclatant en sanglots,
qu'elle avait ete "l'amie" du garde, que son mari s'en etait
doute; mais elle affirma encore que celui-ci n'etait pour rien
dans l'assassinat de son "ami". Maitre Henri-Robert demanda alors
a la cour de bien vouloir entendre immediatement, sur ce point,
Frederic Larsan.
"Dans une courte conversation que je viens d'avoir avec Frederic
Larsan, pendant la suspension d'audience, declara l'avocat, celui-
ci m'a fait comprendre que l'on pouvait expliquer la mort du garde
autrement que par l'intervention du pere Mathieu. Il serait
interessant de connaitre l'hypothese de Frederic Larsan."
Frederic Larsan fut introduit. Il s'expliqua fort nettement.
"Je ne vois point, dit-il, la necessite de faire intervenir le
pere Mathieu en tout ceci. Je l'ai dit a M. de Marquet, mais les
propos meurtriers de cet homme lui ont evidemment nui dans
l'esprit de M. le juge d'instruction. Pour moi, l'assassinat de
Mlle Stangerson et l'assassinat du garde "sont la meme affaire".
On a tire sur l'assassin de Mlle Stangerson, fuyant dans la cour
d'honneur; on a pu croire l'avoir atteint, on a pu croire l'avoir
tue; a la verite il n'a fait que trebucher au moment ou il
disparaissait derriere l'aile droite du chateau. La, l'assassin
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