ntendu voler une mouche.
Rouletabille se taisait, regardant avec sympathie M. Robert
Darzac, qui, lui, pour la premiere fois, depuis le commencement du
debat, montrait un visage agite et plein d'angoisse.
"Eh bien, repeta le president, on vous ecoute, monsieur Joseph
Rouletabille. Nous attendons le nom de l'assassin."
Rouletabille fouilla tranquillement dans la poche de son gousset,
en tira un enorme oignon, y regarda l'heure, et dit:
"Monsieur le president, je ne pourrai vous dire le nom de
l'assassin qu'a six heures et demie! _Nous avons encore quatre
bonnes heures devant nous!"_
La salle fit entendre des murmures etonnes et desappointes.
Quelques avocats dirent a haute voix:
"Il se moque de nous!"
Le president avait l'air enchante; maitres Henri-Robert et Andre
Hesse etaient ennuyes.
Le president dit:
"Cette plaisanterie a assez dure. Vous pouvez vous retirer,
monsieur, dans la salle des temoins. Je vous garde a notre
disposition."
Rouletabille protesta:
"Je vous affirme, monsieur le president, s'ecria-t-il, de sa voix
aigue et claironnante, je vous affirme que, lorsque je vous aurai
dit le nom de l'assassin, _vous comprendrez que je ne pouvais vous
le dire qu'a six heures et demie! _Parole d'honnete homme! Foi de
Rouletabille! ... Mais, en attendant, je peux toujours vous donner
quelques explications sur l'assassinat du garde... M. Frederic
Larsan qui m'a vu "travailler" au Glandier pourrait vous dire avec
quel soin j'ai etudie toute cette affaire. J'ai beau etre d'un
avis contraire au sien et pretendre qu'en faisant arreter M.
Robert Darzac, il a fait arreter un innocent, il ne doute pas,
lui, de ma bonne foi, ni de l'importance qu'il faut attacher a mes
decouvertes, qui ont souvent corrobore les siennes!"
Frederic Larsan dit:
"Monsieur le president, il serait interessant d'entendre M. Joseph
Rouletabille; d'autant plus interessant qu'il n'est pas de mon
avis."
Un murmure d'approbation accueillit cette parole du policier. Il
acceptait le duel en beau joueur. La joute promettait d'etre
curieuse entre ces deux intelligences qui s'etaient acharnees au
meme tragique probleme et qui etaient arrivees a deux solutions
differentes.
Comme le president se taisait, Frederic Larsan continua:
"Ainsi nous sommes d'accord pour le coup de couteau au coeur qui a
ete donne au garde par l'assassin de Mlle Stangerson; mais,
puisque nous ne sommes plus d'accord sur la question de la fuite
de l'ass
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