ssemens
universels couvrirent l'action de ces jeunes gens. Des couronnes furent
jetees sur le theatre pour en couronner le buste de Rousseau; des vers,
prepares pour cette circonstance, furent debites; on cria: _A bas les
terroristes! a bas Marat! a bas ce monstre sanguinaire qui demandait
trois cent mille tetes! Vive l'auteur d'Emile, du Contrat social, de la
Nouvelle Heloise!_ Cette scene se repeta le lendemain dans les
spectacles et dans tous les lieux publics. On se precipita dans les
halles, on barbouilla de sang le buste de Marat, et on le precipita
ensuite dans la boue. Des enfans firent dans le quartier Montmartre une
procession, et apres avoir porte un buste de Marat jusqu'au bord d'un
egout, l'y precipiterent. L'opinion se prononca avec une violence
extreme; la haine et le degout de Marat etaient dans tous les coeurs,
meme chez la plupart des montagnards; car aucun d'eux n'avait pu suivre
dans ses ecarts la pensee de ce maniaque audacieux. Mais le nom de Marat
etant consacre, le poignard de Corday lui ayant valu une espece de
culte, on craignait de toucher a ses autels comme a ceux de la liberte
elle-meme. On a vu que pendant les dernieres sans-culottides,
c'est-a-dire quatre mois auparavant, il avait ete mis au Pantheon a la
place de Mirabeau. Les comites s'empresserent d'accueillir ce signal, et
proposerent a la convention de decreter qu'aucun individu ne pourrait
etre porte au Pantheon avant un delai de vingt ans, et que le buste ou
portrait d'aucun citoyen ne pourrait etre expose dans les lieux publics.
On ajouta que tout decret contraire etait rapporte. En consequence
Marat, introduit au Pantheon, en fut chasse seulement apres quatre mois.
Telle est l'instabilite des revolutions! on decerne, on retire
l'immortalite; et l'impopularite menace les chefs de parti au-dela meme
de la mort! Des cet instant commenca la longue infamie qui a poursuivi
Marat, et qu'il a partagee avec Robespierre. Tous deux, divinises
naguere par le fanatisme, juges aujourd'hui par la douleur, furent voues
a une longue execration.
Les jacobins, irrites de cet outrage fait a une des plus grandes
renommees revolutionnaires, s'assemblerent au faubourg Saint-Antoine, et
jurerent de venger la memoire de Marat. Ils prirent son buste, le
porterent en triomphe dans tous les quartiers qu'ils dominaient, et,
armes jusqu'aux dents, menacerent d'egorger quiconque viendrait troubler
cette fete sinistre. Les jeunes gens avaient envie de fondre su
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