es exces reproches a certains membres de ce
gouvernement. Ce discours, de six heures, ne fut pas entendu sans
beaucoup d'interruptions. Des ingrats, oubliant deja les services des
hommes aujourd'hui accuses, trouvaient que cette enumeration etait
longue; quelques membres meme eurent l'indecence de dire qu'il fallait
imprimer ce discours aux frais de Lindet, parce qu'il couterait trop a
la republique. Les girondins se souleverent en entendant parler de
l'insurrection federaliste, et des maux qu'elle avait causes. Chaque
parti trouva a se plaindre. Enfin on s'ajourna au lendemain, en se
promettant de ne plus souffrir de ces longues depositions en faveur des
accuses. Cependant Carnot et Prieur (de la Cote-d'Or) voulaient etre
entendus a leur tour; ils voulaient, comme Lindet, preter un secours
genereux a leurs collegues, et se justifier en meme temps d'une foule
d'accusations qui ne pouvaient porter sur Billaud, Collot et Barrere,
sans les atteindre eux-memes. Les signatures de Carnot et de Prieur (de
la Cote-d'Or) se trouvaient en effet sur les ordres les plus reproches
aux accuses. Carnot, dont la reputation etait immense, dont on disait en
France et en Europe qu'il avait _organise la victoire_, dont les luttes
courageuses avec Saint-Just et Robespierre etaient connues, Carnot ne
pouvait etre ecoute qu'avec egard et une sorte de respect. Il obtint la
parole. "Il m'appartient a moi, dit-il, de justifier le comite de salut
public, moi qui osai le premier attaquer en face Robespierre et
Saint-Just;" et il aurait pu ajouter: Moi qui osai les attaquer, lorsque
vous respectiez leurs moindres ordres, et que vous decretiez a leur gre
tous les supplices qu'ils vous demandaient. Il expliqua d'abord comment
sa signature et celle de ses collegues les plus etrangers aux actes
politiques du comite se trouvaient neanmoins au bas des ordres les plus
sanguinaires. "Accables, dit-il, de soins immenses, ayant jusqu'a trois
et quatre cents affaires a regler par jour, n'ayant pas souvent le temps
d'aller manger, nous etions convenus de nous preter les signatures. Nous
signions une multitude de pieces sans les lire. Je signais des mises en
accusation, et mes collegues signaient des ordres de mouvement, des
plans d'attaque, sans que ni les uns ni les autres nous eussions le
temps de nous expliquer. La necessite de cette oeuvre immense avait
exige cette dictature individuelle, qu'on s'etait reciproquement
accordee a chacun. Jamais, sans cela, le
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