vous craignez cela? Vous ne redoutez que
cela? Et si je vous prouve que vous vous trompez? que je ne rendrai
nullement cette missive a Valois?...
--Pas de preuve... possible! murmura le blesse.
--Si! il y en a une, dit Pardaillan. Et la voici!
A ces mots, sans l'ouvrir, sans la decacheter, sans jeter un coup d'oeil
sur la suscription, Pardaillan se mit a dechirer la lettre en petits
morceaux. Lorsqu'elle eut ete ainsi reduite en miettes certainement
illisibles, ces fragments minuscules, il les jeta en l'air.
Pendant cette operation, le comte Luigi avait tenu attaches sur
Pardaillan ses yeux pleins de stupefaction. Puis, l'etonnement fit
place a une sorte d'admiration. Et, d'un ton qui traduisit toute sa
reconnaissance, il murmura:
--Merci, monsieur!...
Pardaillan haussa les epaules.
--Je vous ai prevenu que j'avais seulement l'intention de jouer un tour
a votre Fausta. C'est fait. Quant a me servir d'une lettre tombee en
mon pouvoir pour faire assassiner une femme, ce n'est pas dans mes
habitudes. Cette lettre detruite n'existe plus, meme dans mon souvenir.
Etes-vous rassure?...
--Oui, monsieur... et je vous benis... de m'avoir donne... une pareille
assurance... avant de mourir...
--Eh! mordieu, vous ne mourrez pas!
Le blesse secoua tristement la tete. Puis, epuise par les efforts qu'il
venait de faire, il s'evanouit.
Pardaillan alla a son cheval et fouilla vivement l'une des fontes. La,
sous le pistolet, il y avait des bandages, de la charpie, enfin tout ce
qu'il faut a un homme pour panser provisoirement une blessure. Puis il
se mit a degringoler la falaise par un sentier presque a pic, mouilla
dans l'eau de mer un fort tampon de charpie, remonta au pas de charge,
lava la blessure, y appliqua de la charpie et banda le tout le plus
proprement du monde.
--C'est de l'eau salee, dit Pardaillan. Cela pique. Mais ce n'en est que
meilleur. Maintenant, monsieur, attention. Je vais vous soulever et vous
placer sur mon cheval...
Pardaillan se baissa, placa ses mains sous les reins du blesse et,
agissant a la fois avec douceur et avec force, le souleva et l'assit sur
le cheval.
--Pouvez-vous vous tenir ainsi jusqu'a Gravelines? dit-il.
--Je le crois...
--En route donc. Si vous vous affaiblissez, appelez-moi.
Et, trainant son cheval par la bride, se retournant tous les deux pas
pour examiner son blesse, Pardaillan se mit en chemin au petit pas.
Vingt minutes plus tard, il atteignait les pr
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