e, mon gentilhomme,
je meurs de soif.
En meme temps, Timothee remplit un gobelet jusqu'aux bords et le vida
d'un seul trait.
--A votre sante, a celle de la Ligue, murmura-t-il en clignant de
l'oeil, et a la mort du tyran!...
Maurevert tressaillit... Il se pencha vers le moine et d'une voix basse,
rapide:
--Est-ce pour cela que vous venez a Blois?...
Timothee, encore, cligna de l'oeil, reponse qu'il jugeait apte a
concilier son desir de bien diner et sa complete ignorance de la mission
dont il etait charge... il portait une lettre, voila tout. Mais cette
reponse, Maurevert l'interpreta dans le sens de l'affirmative.
Sa haine contre le duc de Guise, plus encore que le desir de passer
le plus tot possible chez le tresorier royal lui faisait souhaiter
ardemment la mort du duc.
On concoit l'interet enorme que prit tout a coup a ses yeux frere
Timothee, envoye de Bourgoing, c'est-a-dire d'un ligueur enrage.
--Buvez, puisque vous avez soif, dit-il d'une voix tres adoucie.
--Je ne meurs pas seulement de soif, mais aussi de faim. Songez donc,
messire, que j'ai fait en moins de quatre jours le voyage de Paris a
Blois... Cette fois, songea-t-il, tu m'invites a diner!
Et un troisieme clignement des yeux indiqua toute l'importance de la
mission que le moine venait remplir a Blois.
--C'est donc bien presse? fit Maurevert qui palit a cette idee que
Guise, peut-etre, allait agir le premier... Au nom des grands interets
que vous connaissez, si vous m'etes envoye, je vous somme de parier. Et
si ce n'est pas moi que vous cherchez, je vous en prie...
--Mon cher monsieur de Maurevert, dit le moine, c'est bien vous que je
cherchais, car voila quatre heures que je cours apres vous. Le reverend
prieur m'a expressement recommande de ne rien faire sans vos amis. Je
parlerai donc. Mais je vous avoue qu'avant diner, mes idees ne sont
jamais bien nettes...
--Venez! dit Maurevert qui, tout a coup, se leva et gagna rapidement la
porte, de facon qu'on vit qu'il ne sortait pas en compagnie du moine.
Frere Timothee demeura un instant abasourdi, jeta un dernier regard
navre du cote de la cuisine, acheva par acquit de conscience le pot de
vin qui etait devant lui, et sortit a son tour sans avoir ete autrement
remarque. Dans la rue, il detacha sa mule et, melancolique, s'appreta a
suivre Maurevert qui l'attendait.
--Je veux vous traiter, dit Maurevert, selon vos merites, c'est-a-dire
beaucoup mieux qu'en cette auberge. Sui
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