era de l'idee, reprit Jacques Clement, que le frere
portier courait apres moi et avait des instructions a me donner. Qui
sait si ce qui m'arrive aujourd'hui n'eut pas ete evite si j'avais vu le
moine avant sa mort...
--Tout s'arrangera! fit Pardaillan avec un sourire.
--Tout peut s'arranger, en effet, dit Jacques Clement! d'une voix morne,
tout, excepte les desespoirs d'amour. Ah! si vous aviez vu de quel air
de mepris elle m'a recu!...
--La duchesse de Montpensier?
Jacques Clement ne parut pas avoir entendu. Il avait laisse tomber sa
tete dans ses mains, et, le regard fixe sur le feu dont les reflets
coloraient sa tete pale, il songeait. Ce fut d'une voix amere qu'il
continua:
--On n'a plus besoin de moi, Pardaillan! J'ai hesite a frapper, et on me
rejette. Tout m'echappe a la fois: et l'amour et la vengeance.
--Je comprends que l'amour vous echappe, dit Pardaillan. D'apres ce que
vous m'avez raconte de votre visite, cette jolie diablesse que vous
appelez un ange vous a quelque peu malmene. Laissez-moi vous dire que
vous n'y perdez pas grand-chose, si toutefois vous la perdez...
---Que voulez-vous dire? balbutia Jacques Clement.
--Que vous ne la perdez pas--malheureusement pour nous--, qu'elle vous
reviendra!...
--Oh! si cela etait! Si je pouvais revivre!... la revoir!... l'aimer
encore!
Les deux hommes dejeunerent ensemble. Ou plutot Pardaillan mangea pour
deux. Quant a Jacques Clement, il etait plonge en des idees funebres, et
bientot, selon ce qui avait ete convenu, il se retira dans sa chambre.
Pardaillan s'assit pres du feu et se mit a mediter profondement.
Il prenait des notes sur un morceau de papier; il raturait; il
recommencait. Quand enfin il eut fini ce singulier travail, il relut
avec un sourire de complaisance et murmura:
--Je crois que ce ne sera pas trop mal ainsi.
Ce que Pardaillan venait de mediter avec tant d'attention, c'etait
le menu du diner du soir. Il appela donc l'hote et lui donna les
instructions necessaires pour que ce menu fut execute scrupuleusement.
Aussi, lorsque Crillon apparut, la table etait toute dressee et servie.
--Ah! ah! s'ecria le brave Crillon, il parait que vous me voulez traiter
comme un prince.
--Non pas, dit Pardaillan, car alors je ne me fusse pas mis en frais...
Asseyez-vous donc ici, mon cher sire, le dos au feu, et moi la, devant
vous.
Crillon obeit en prenant la place que lui indiquait Pardaillan. Nous
n'en suivrons pas les peripetie
|