j'aurai paree de ta
brune chevelure et d'un diademe d'or cisele par mon genie, cette femme
qui lira sans pudeur a ses amants et a ses confidentes les stances qui
furent ecrites pour toi, c'est une effrontee, c'est la femelle d'un
courtisan, c'est ce qu'on devrait appeler une courtisane!--Non, je ne
vendrai pas tes attraits et ta parure, o ma Jane! simple fille qui
m'aimas pour mon amour, et qui ne sais pas meme ce que c'est qu'on
poete. Tu me t'es pas enorgueillie de mes louanges, tu n'as pas compris
mes vers; eh bien, je te les garderai. Un jour peut-etre... dans le
ciel, tu parleras ta langue des dieux!... et tu me repondras... ma
pauvre Jane!... (_L'horloge sonne minuit._) Deja minuit!... et je n'ai
rien fait encore, la fatigue m'accable deja! Cette nuit sera-t-elle
perdue comme les autres?.... non, il ne le faut pas... Je ne puis
differer davantage.... Il ne me reste pas une guinee, et ma mere aura
faim et froid demain si je dors cette nuit... J'ai faim moi-meme...
et le froid me gagne... Ah! je sens a peine ma plume entre mes doigts
glaces... ma tete s'appesantit... Qu'ai-je donc?--Je n'ai rien fait
et je suis ereinte!... mes yeux sont troubles... Est-ce que j aurais
pleure?... ma barbe est humide... Oui, voici des larmes sur les stances,
a Jane... J'ai pleure tout a l'heure en songeant a elle... Je ne m'en
etais pas apercu. Ah! tu as pleure, miserable lache? tu t'es enerve a te
raconter ta douleur, quand tu pouvais l'ecrire et gagner le pain de ta
mere; et maintenant te voici epuise comme une lampe vers le matin, te
voici pale comme la lune a son coucher... C'est la troisieme nuit que tu
emploies a marcher dans ta chambre, a tailler ta plume et a te frapper
le front sur ces murs impitoyables! O rage! impuissance, agonie! (_Se
levant._) Mon courage, m'abandonnes-tu aussi, toi? Mes amis m'ont tourne
le dos, mon genie s'est couche paresseux et insensible a l'aiguillon de
la volonte, ma vie elle-meme a semble me quitter, mon sang s'est arrete
dans mes veines, et la souffrance de mes nerfs contractes m'a arrache
des cris. Tout cela est arrive souvent, trop souvent! Mais toi, o
courage! o orgueil! fils de Dieu, pere du genie, tu ne m'as jamais
manque encore. Tu as leve d'aussi lourds fardeaux, tu as traverse
d'aussi horribles nuits, tu m'as retire d'aussi noirs abimes... Tu sais
manier un fouet qui trouve encore du sang a faire couler de mes membres
desseches; prends ton arme et fustige mes os paresseux, enfonce ton
epe
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