elas! helas! mourir, c'est horrible!... Si c'etait seulement saigner,
defaillir, tomber!... mais ce n'est pas cela. Si c'etait porter sa tete
sous une hache, souffrir la torture, descendre vivant dans le froid
du tombeau! mais c'est bien pis: c'est renoncer a l'esperance, c'est
renoncer a l'amour; c'est prononcer l'arret du neant sur tous ces reves
enivrants qui nous ont leurres, c'est renoncer a ces rares instants de
volupte qui faisaient pressentir le bonheur, et qui l'etaient peut-etre!
Au fait, un jour, une heure dans la vie, n'est-ce pas assez, n'est-ce
pas trop! Agandecca, vous m'avez dit des mots qui valaient une annee de
gloire, vous m'avez cause des transports qui valaient mieux qu'un siecle
de repos. Ce soir, demain, vous me donnerez un baiser qui effacera
toutes les tortures de ma vie, et qui fera de moi un instant le roi de
la terre et du ciel!
Mais pourquoi retomber toujours dans l'abime de douleur? pourquoi
chercher ces joies si elles doivent finir et si je ne sais pas y
renoncer? Les autres se lassent et se fatiguent de leurs jouissances:
moi, la jouissance m'echappe et le desir ne meurt pas! O amour! eternel
tourment!... soif inextinguible!
Si je quittais la reine?... Mais je ne le pourrai pas; et, si je le
puis, j'aimerai une autre femme qui me rendra plus malheureux. Je ne
saurai pas vivre sans aimer. L'amour ou l'amitie ne me paieront pas ce
que je depenserai de mon coeur pour les alimenter!... Comment ai-je pu
vivre jusqu'ici? Je ne le concois pas. Suis-je le plus courageux ou
le plus lache de tous les hommes?--Je ne sais pas; et comment le
savoir?--Celui qui souffre pour donner du bonheur aux autres... oui,
celui-la est brave... mais celui qui souffre et qui importune, celui qui
veut du bonheur et qui n'en sait pas donner!... Oh! decidement je suis
un lache! comment ne m'en suis-je pas convaincu plus tot? (_Il tire son
epee_). Lune... brise du soir!... Tais-toi, poete, tu n'es qu'un sot.
Qu'est-ce qui merite un adieu de toi? qu'est-ce qui t'accordera un
regret? (_Il va pour se tuer._)
SCENE V.
LE DOCTEUR ACROCERONIUS, _entrant_.
Que faites-vous, seigneur Aldo, dans cette attitude singuliere?
ALDO.
Vous le voyez, mon cher ami, je me tue.
ACROCERONIUS.
En ce cas, je vous salue, et je vous prie de ne pas deranger pour moi.
Puis-je vous rendre quelque service apres votre mort?
ALDO.
Je ne laisserai personne pour s'en apercevoir.
ACROCERONIUS
Je suis fache q
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