s, de hardis chasseurs de biches aux flancs bruns;
et pourtant, depuis Dougal le Noir jusqu'a Ryno le Roux, tous sont
partis sans songer a vous conduire au cimetiere. Il ne vous est reste
que le pauvre Aldo, le pale enfant de votre vieillesse, le fruit debile
de vos dernieres amours. Et que pouvait-il faire pour vous de plus qu'il
n'a fait? que ne lui donniez-vous comme a vos autres fils une large
poitrine et de males epaules! Cette petite main de femme que voici
pouvait-elle manier les armes du bandit ou la carabine du braconnier?
Pouvait-elle soulever la rame du pecheur et boxer avec l'esturgeon? Vous
n'aviez rien espere de moi, et, me voyant si chetif, vous n'aviez meme
pus daigne me faire apprendre a lire!--Et quand tous vous ont manque,
quand vous vous etes trouvee seule avec votre avorton, n'avez-vous pas
ete surprise de decouvrir que je ne sais quel coin de son cerveau avait
retenu et commente les chants de nos bardes! Quand cette voix grele a su
faire entendre des melodies sauvages qui ont emu les hommes blases
des villes, et qui leur ont rappele des idees perdues, des sentiments
oublies depuis longtemps, vous avez embrasse votre fils sur le front,
sanctuaire d'un genie que vous aviez enfante sans le savoir. Eh bien! ne
pouviez-vous attendre quelques jours encore? La richesse allait venir
peut-etre. Votre vieillesse allait s'asseoir dans un palais, et vous
etes partie pour un monde ou je ne puis plus rien pour vous. Tachez, si
vous allez en purgatoire, que les bras de mes freres vous delivrent et
vous ouvrent les portes du ciel.... Pour moi, je n'ai plus rien a faire,
ma tache est finie. Toutes les herbes de la verte Innisfail peuvent
pousser dans mon cerveau maintenant, je le mets en friche.... Il est
temps que je me repose; j'ai assez souffert pour toi, vieille femme,
spectre bleme, dont le souvenir sacre m'a fait accomplir de si rudes
travaux, apprendre tant de choses ardues, passer tant de nuits glacees
sans sommeil et sans manteau! Sans toi, sans l'amour que j'avais pour
toi, je n'aurais jamais ete rien. Pourquoi m'abandonnes-tu au moment ou
j'allais etre quelque chose? Tu m'otes une recompense que je meritais; c
etait de te voir heureuse, et tu meurs dans le plus odieux jour de notre
misere, dans la plus rude de mes fatigues! O mere ingrate, qu'ai-je fait
pour que tu m'otes deja mon unique desir de gloire, ma seule esperance
dans la vie, l'honnete orgueil d'etre un bon fils!... Vieux sein
desseche qui as all
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