! pardonne-moi. Je suis injuste; je suis amer:
j'ai ete si malheureux! Mais tu me consoleras, toi, n'est-ce pas?
JANE.
Oui, mon beau reveur, si vous consentez a etre console.
ALDO.
Comment pourrais-je ne pas y consentir? Voila une parole etrange dans
votre bouche!
JANE.
Vous vous etonnez de mon desir de vous consoler? C'est vous, Aldo, qui
me semblez etrange!
ALDO.
En effet, c'est peut-etre moi! Passez-moi ces boutades, c'est malgre moi
qu'elles me viennent. Je ne veux pas m'y livrer. Donnez-moi votre main,
Jane, et donnez-moi aussi votre foi. Jurez avec moi sur le cadavre de ma
pauvre vieille amie, qui n'est plus, que vous vivrez pour moi, pour moi
seul. J'ai besoin a l'heure qu'il est de trouver un appui ou de mourir.
Vous etes mon seul et dernier espoir; m'accueillerez-vous?
JANE.
Si je vous promets de vous aimer toujours, me promettez-vous de
m'epouser?
ALDO.
Vous en doutez?
JANE.
Non, je n'en doute pas.
ALDO.
Mais vous en avez doute..
JANE.
Pourquoi quittez-vous ma main? Pourquoi vous eloignez-vous de moi d'un
air sombre? Est-ce que je vous ai offense?
ALDO.
Non.
JANE.
Vous ne vous voulez pas me regarder?
ALDO.
Je vous regarde; seulement ce n'est pas votre figure qui m'occupe, c'est
au fond de votre coeur que mon regard plonge.
JANE.
Voila que vous me dites des choses que je n'entends plus; et, comme vous
froncez le sourcil en me les disant, je dois croire que ce sont
des choses dures et affligeantes pour moi. Vous avez un malheureux
caractere, Aldo, un sombre esprit, en verite!
ALDO.
Vous trouvez?
JANE.
Oui, et j'en souffre.
ALDO.
Oh!... en ce cas je ne veux pas vous faire souffrir.
JANE.
Je vous pardonne.
ALDO, _avec amertume_.
Vous etes bonne!
JANE.
C'est que je vous aime; tachez de m'aimer autant, et nous serons
heureux.
ALDO.
J'y compte. En attendant, voulez-vous avoir la bonte d'appeler les
voisines pour qu'elles viennent ensevelir le corps de ma mere?
JANE.
J'y vais. Donnez-moi un baiser. (_Aldo la baise au front avec
froideur._)
ALDO, _seul_.
Cette jeune fille est d'une merveilleuse stupidite! elle me blesse et me
choque sans s'en douter, elle m'accorde mon pardon quand c'est elle qui
m'offense, et elle recoit mon baiser sans s'apercevoir au froid de mes
levres que c'est le dernier! Mais la femme est donc un etre bien lache
et bien borne! Je croyais
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