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salles pleines de bruit et de lumiere.
LA REINE.
J'entends: je puis m'etourdir dans de frivoles amusements et vous
laisser avec votre muse. C'est une societe plus digne de vous que celle
d'une femme capricieuse et puerile. Restez donc avec votre genie, mon
cher poete. Les etoiles s'allument au ciel, et la brise du soir erre
doucement parmi les fleurs: revez, chantez, soupires. La facade de mon
palais s'illumine, et le son des instruments m'annonce le repas du soir.
J'y vais porter votre sante a mes convives dans une coupe d'or,
et parler de vous avec des hommes qui vous admirent. Restez ici,
penchez-vous sur cette balustrade, et entretenez-vous avec les sylphes.
S'ils ne me trouvent pas indigne d'un souvenir, parlez-leur de moi; et
si, malgre cette nourriture celeste, il vous arrive de ressentir la
vulgaire necessite de la faim, venez trouver votre reine et vos amis. Au
revoir.--Mais qu'est-ce donc? Vous avez baise bien tristement ma main,
et vous y avez laisse tomber une larme! Quoi! vous etes triste encore?
je vous ai encore blesse? Oh! mais cela est insupportable. Allons, mon
cher amant, remettez-vous et soyez plus sage; je vous aime tendrement,
je vous prefere aux plus grands rois de la terre. Faut-il vous le
repeter a toute heure? ne le savez-vous pas? Venez, que je baise votre
beau front. Sechez vos larmes et venez me rejoindre bientot.
SCENE IV.
ALDO, _seul_.
Elle a raison, cette femme! elle a raison devant Dieu et devant les
hommes! Moi, je n'ai raison que devant ma conscience. Je ne puis avoir
d'autre juge que moi-meme, et ne puis me plaindre qu'a moi-meme.--Car,
enfin, il ne depend pas de moi d'etre autrement. Tout m'accuse
d'affectation; mais on n'est pas affecte, on n'est pas menteur avec
soi-meme. Je sais bien, moi, que je suis ce que je suis. Les autres sont
autres, et ne me comprenant pas, ils me nient; ils sont injustes, car
moi je ne nie pas leur sincerite; ils me disent qu'ils sont courageux,
je pourrais leur repondre qu'ils sont insensibles. Mais j'accepte ce
qu'ils me disent, je consens a les reconnaitre courageux. Mais s'ils le
sont, pourquoi me reprochent-ils impitoyablement de ne l'etre pas? Si
j'etais Hercule, au lieu de mepriser et de railler les faibles enfants
que je trouverais haletants et pleurants sur la route, je les prendrais
sur mes epaules, je les porterais, une partie du chemin, dans ma peau de
lion. Que serait pour moi ce leger fardeau, si j'etais Hercule?--Voua
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