aite six hommes et demi, recois ce baiser de
reproche, de douleur et d'amour.... ( _Il se jette sur elle en
sanglotant._)--Helas! ma mere est morte!
SCENE III.
JANE, ALDO.
JANE.
Est-ce que votre mere est morte! Helas! quelle douleur!
ALDO.
Ah! tu viens pleurer avec moi, ma douce Jane; sois la bienvenue! Mon ame
est brisee, je n'espere plus qu'en toi.
JANE.
Qu'est-ce que je puis faire pour vous, Aldo? Je ne puis pas rendre la
vie a votre mere.
ALDO.
Tu peux me rendre sa tendresse, sa melancolique et silencieuse
compagnie, et surtout le besoin qu'elle avait de moi, le devoir qui
m'attachait a elle et a la vie. Helas! il y a eu des jours ou, dans mon
decouragement, j'ai souhaite que la pauvre Meg arrivat au terme de ses
maux, afin de retrouver la liberte de me soustraire aux miens! Tout
a l'heure, dans mon delire, je me suis rejoui amerement d'etre enfin
delivre de mon pieux fardeau. Je me suis assis en blasphemant au bord du
chemin. Et j'ai dit: Je n'irai pas plus loin.--Mais je suis bien jeune
encore pour mourir, n'est-ce pas, Jane? Tout n'est peut-etre pas fini
pour moi; l'avenir peut s'eveiller plus beau que le passe. Je veux
devenir riche et puissant; si je trouve une douce compagne, tendre et
bonne comme ma mere, et en meme temps jeune et forte pour supporter les
mauvais jours, belle et caressante pour m'enivrer comme un doux breuvage
d'oubli au milieu de mes detresses, je puis encore voir la verte
esperance s'epanouir comme un bourgeon du printemps sur une branche
engourdie par l'hiver.
JANE.
J'aime beaucoup les choses que vous dites, o mon bien-aime! Quoique vos
paroles ne soient pas familieres a mon oreille, vos compliments me font
toujours regretter de n'avoir pas un miroir devant moi, pour voir si je
suis belle autant que vous le dites.
ALDO.
Et que vous importe de l'etre ou de ne l'etre pas, pourvu que je vous
voie ainsi et que je vous aime telle que vous etes a mes yeux et dans
mon coeur!
JANE.
Vous avez toujours a la bouche des paroles qui plaisent quand on les
ecoute; mais quand on y songe apres, on ne les comprend plus et on sent
de l'inquietude.
ALDO.
En verite, Jane, vous raisonnez plus que je ne croyais. Eh quoi! vous
gardez un compte exact de mes paroles et vous les commentez en mon
absence? Il faut prendre garde a ce que l'on vous dit!
JANE.
N'est-ce pas mon orgueil et ma joie de m'en souvenir?
ALDO.
Aimable et bonne fille
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