ls sont aussi le
rendez-vous d'une immense quantite de poissons qui viennent de toutes
les rives et de toutes les baies du nord. Ils y arrivent par millions,
occupant parfois une etendue de cent milles carres, sur plus de cent
pieds de profondeur; ils se dirigent vers ces confluents et sur les
bancs ou ils trouvent des eaux plus temperees et une nourriture assuree,
dans l'agglomeration des poissons de taille inferieure, qui ne peuvent
leur resister.
Cette enorme quantite de poissons, reunis en bancs de plusieurs milles
carres sur des profondeurs si extraordinaires, ne peuvent nous etonner
lorsque nous savons que les harengs et les saumons produisent des cent
milliers d'oeufs, et la morue, des millions. La plus grande partie,
aneantie par la violence des flots, est dispersee par la mer, et des
auteurs pretendent que, sans cette dispersion, la masse produite serait
si grande qu'elle comblerait les courants d'eau de ce point de rencontre
jusqu'a rendre la navigation presque impossible.
Quoi qu'il en soit, la morue en particulier offrait des ressources
inepuisables pour la nourriture des populations europeennes. En effet,
la morue est un poisson d'une grande dimension, fournissant une
nourriture forte et substantielle; appreciee du riche et du pauvre, elle
est demandee dans tous les pays; son huile est abondante et precieuse.
Enfin, par son agglomeration, elle rendait ces parages plus riches que
les plus grandes mines de l'Inde, du Perou et du Mexique.
Aussi, peu d'annees apres Verazzani, les Anglais avaient etabli, sur
la cote orientale qui longeait Terre-Neuve, un nombre considerable de
stations de peche, entre lesquelles ils avaient place des communications
faciles, par des chemins coupee dans les bois. Les rives etaient
couvertes des habitations des pecheurs; en arriere, des fermes
d'exploitation etaient construites et avaient rapporte a leurs
possesseurs de grands capitaux. Les pecheries seules rendaient pres de
vingt millions par an, et les Anglais comprenaient qu'ils pouvaient,
avec Terre-Neuve, se rendre les maitres absolus du commerce le moins
dispendieux, le plus aise et le plus etendu de l'univers.
M. d'Iberville, avec sa haute intelligence, avait compris les
consequences de ce monopole. Il les avait signalees a M, de Frontenac,
et, d'apres l'injonction du gouverneur, _il representa a la cour que le
commerce des Anglais dans Terre-Neuve pouvait les rendre assez puissants
pour s'emparer de la colonie franc
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