a chaque instant,
comme dans la region des nuages, on voyait s'accomplir les mouvements
les plus varies.
Certains bancs s'arretaient et se disposaient avec ordre comme les quais
d'un fleuve. Les autres continuaient a marcher et s'avancaient plusieurs
de front comme une flotte gigantesque. Il y avait des blocs de 300 pieds
de hauteur. A certains moments, dans cette procession effrayante, il y
avait des rencontres, avec des bruits terribles; tantot c'etait comme
des coups de tonnerre, d'autres fois comme des salves d'artillerie, ou
des feux de file de mousqueterie. A ces rencontres, les blocs de glace,
pousses par une force irresistible, se levaient, se dressaient les uns
contre les autres, et menacaient de s'abattre sur les embarcations.
Il etait difficile de braver ces obstacles avec ces petits navires, qui
etaient si mal disposes pour supporter les grandes lames de l'Ocean.
C'est ainsi que s'avancaient ces intrepides navigateurs; ils n'avaient
pour appui que des coques de noix; ils etaient depourvus de ces
instruments de precision modernes qui parlent un langage, si
infaillible; ils n'avaient pour guide que la boussole et marchaient
connue les yeux fermes dans les brumes.
A un certain moment, un vent s'eleva qui ebranla les glaces et les
bouleversa. Au milieu de ce conflit, deux batiments se rencontrerent, et
un mat d'artimon fut brise, tandis que le brigantin _l'Esquimau_, pousse
par la violence des courants, fut enleve et sombra avec son chargement.
Tout ce que l'on put faire fut de sauver l'equipage.
Dans ces regions, les tempetes sont plus effrayantes que partout
ailleurs. Le 24 juillet, l'escadre en ressentit une qui dura huit
heures.
Les cordages et le pont etaient couverts de verglas, les voiles
s'immobilisaient; le veilleur, a son poste d'observation au haut du mat,
etait comme une stalactite vivante. Les cotes presentaient une masse de
pics et de precipices effrayants. Enfin, au milieu de la tempete, le
_Pelican_ se vit separe des trois autres vaisseaux, qui jusque-la
l'avaient suivi.
Le 8 du mois d'aout, on etait entre dans le detroit de la baie d'Hudson;
on doubla le cap Haut, puis le cap Charles, a 50 lieues de l'ouverture
du detroit.
Le 15 du mois d'aout, le _Pelican_ etait arrive a 150 lieues des iles
Button et de l'entree est du detroit. D'Iberville, ne voyant pas
arriver les trois vaisseaux francais, s'arreta, quelques jours pour les
attendre.
Ils etaient au milieu des splendeurs des
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