FREE BOOKS

Author's List




PREV.   NEXT  
|<   164   165   166   167   168   169   170   171   172   173   174   175   176   177   178   179   180   181   182   183   184   185   186   187   188  
189   190   191   192   193   194   195   196   197   198   199   200   201   202   203   204   >>  
t mou jusqu'a la lachete. Elle se disait: "Un beau matin, son frere va venir et me l'enlever pour le rendre a sa porcelainiere." Lui se disait: "Un de ces jours, lassee de la vie qu'elle mene, elle s'envolera avec un monsieur de Huit-a-Dix, et moi, je resterai seul dans ma fange..." Cette crainte eternelle qu'ils avaient de se perdre faisait le plus clair de leur amour. Ils ne s'aimaient pas, et pourtant etaient jaloux. Chose singuliere, n'est-ce pas? que la ou il n'y a pas d'amour, il puisse y avoir de la jalousie. Eh bien, c'est ainsi... Quand elle parlait familierement a quelqu'un du theatre, il devenait pale. Quand il recevait une lettre, elle se jetait dessus et la decachetait avec des mains tremblantes.... Le plus souvent, c'etait une lettre de Jacques. Elle la lisait jusqu'au bout en ricanant, puis la jetait sur un meuble: "Toujours la meme chose", disait-elle avec dedain. Helas! oui! toujours la meme chose, c'est-a-dire le devouement, la generosite, l'abnegation. C'est bien pour cela qu'elle detestait tant le frere.... Le brave Jacques ne s'en doutait pas, lui. Il ne se doutait de rien. On lui ecrivait que tout allait bien, que _La Comedie pastorale_ etait aux trois quarts vendue, et qu'a l'echeance des billets on trouverait chez les libraires tout l'argent qu'il faudrait pour faire face. Confiant et bon comme toujours, il continuait d'envoyer les cent francs du mois rue Bonaparte, ou Coucou-Blanc allait les chercher. Avec les cent francs de Jacques et les appointements du theatre, ils avaient bien sur de quoi vivre, surtout dans ce quartier de pauvres heres. Mais ni l'un ni l'autre ils ne savaient, comme on dit, ce que c'est que l'argent: lui, parce qu'il n'en avait jamais eu; elle, parce qu'elle en avait toujours eu trop. Aussi, quel gaspillage! Des le 5 du mois, la caisse--une petit pantoufle javanaise en paille de mais--la caisse etait vide. Il y avait d'abord le kakatoes qui, a lui seul, coutait autant a nourrir qu'une personne de grandeur naturelle. Il y avait ensuite le blanc, le kohl, la poudre de riz, les opiats, les pattes de lievre, tout l'attirail de la peinture dramatique. Puis les brochures du theatre etaient trop vieilles, trop fanees; madame voulait des brochures neuves. Il lui fallait aussi des fleurs, beaucoup de fleurs. Elle se serait passee de manger plutot que de voir ses jardinieres vides. En deux mois, la maison fut criblee de dettes. On devait a l'hotel, au restaurant, au portier
PREV.   NEXT  
|<   164   165   166   167   168   169   170   171   172   173   174   175   176   177   178   179   180   181   182   183   184   185   186   187   188  
189   190   191   192   193   194   195   196   197   198   199   200   201   202   203   204   >>  



Top keywords:

toujours

 

theatre

 

Jacques

 

disait

 

caisse

 

lettre

 

francs

 

argent

 
allait
 
doutait

jetait

 

brochures

 
avaient
 

fleurs

 

etaient

 

fallait

 

savaient

 
quartier
 

pauvres

 
dramatique

attirail

 
lievre
 

devait

 

jamais

 

peinture

 

surtout

 

continuait

 

Coucou

 

chercher

 

Bonaparte


voulait
 

madame

 
restaurant
 

appointements

 

vieilles

 

portier

 

fanees

 

envoyer

 

neuves

 

jardinieres


autant

 

nourrir

 

coutait

 

kakatoes

 

personne

 

grandeur

 
passee
 

serait

 

naturelle

 

ensuite