'atmosphere avait quelque chose
de lethargique, l'hallucination se dissipa, et il s'habilla en toute hate,
afin de fuir un lieu ou il venait d'etre le jouet d'une si cruelle
fantaisie. Mais malgre les efforts qu'il fit pour s'en distraire, il resta
sous le poids d'une sorte d'anxiete douloureuse, et la _chambre d'amis_ de
Chateaubrun lui parut plus sepulcrale que la veille. Le jour gris et sombre
qui se levait lui permit enfin de voir par sa fenetre l'ensemble du
chateau.
Ce n'etait litteralement qu'un amas de ruines, vestiges encore grandioses
d'une demeure seigneuriale, batie a diverses epoques. Le preau, rempli
d'herbes touffues ou le peu de mouvement d'une famille reduite au strict
necessaire avait trace seulement deux ou trois petits sentiers pour
circuler de la grande tour a la petite, et du puits a a la porte
principale, etait borde en face de lui de murailles ecroulees, ou l'on
reconnaissait la base et l'emplacement de plusieurs constructions, et entre
autres d'une chapelle elegante dont le fronton, orne d'une jolie rosace
festonnee de lierre, etait encore debout. Au fond de la cour, dont un grand
puits formait le centre, s'elevait la carcasse demantelee de ce qui avait
ete le corps de logis principal, la veritable habitation des seigneurs de
Chateaubrun depuis le temps de Francois Ier jusqu'a la revolution. Cet
edifice, jadis somptueux, n'etait plus qu'un squelette sans forme, mis a
jour de toutes parts, un pele-mele bizarre que l'ecroulement des
compartiments interieurs faisait paraitre d'une elevation demesuree. Les
tours qui avaient servi de cage aux elegantes spirales d'escaliers, les
grandes salles peintes a fresque, les admirables chambranles de cheminee
sculptes dans la pierre, rien n'avait ete respecte par le marteau du
demolisseur, et quelques vestiges de cette splendeur, qu'on n'avait pu
atteindre pour les detruire, quelques restes de frises richement ornees,
quelques guirlandes de feuillages dues au ciseau des habiles artisans de la
renaissance, jusqu'a des ecussons aux armes de France traversees par le
baton de batardise, tout cela taille dans une belle pierre blanche que le
temps n'avait encore pu ternir, offrait le triste spectacle d'une oeuvre
d'art, sacrifiee sans remords a la brutale loi d'une brusque necessite.
Quand le jeune Cardonnet reporta ses regards sur le petit pavillon habite
desormais par le dernier rejeton d'une illustre et opulente famille, il se
sentit penetre de compassion en so
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