, et, par-dessus le marche, il etait le plus bel
enfant qu'on ait jamais vu. A preuve que lorsqu'il fut devenu un des plus
beaux cavaliers de la province, les dames de toute condition s'en
apercurent tres-bien.
--Passons, passons, Janille, interrompit le chatelain avec un melange de
tristesse dans sa gaiete; il n'y a pas grand'chose a dire la-dessus.
--Soyez tranquille, reprit la petite femme, je ne dirai rien qui ne soit
tres-bon a dire. Monsieur fut eleve a la campagne dans ce vieux chateau,
qui etait grand et riche alors ... et qui est encore tres-habitable
aujourd'hui! Jouant avec les marmots de son age et avec son frere de lait
le petit Jean Jappeloup, cela lui fit une sante excellente. Voyons,
plaignez-vous de votre sante, Monsieur, et dites-nous si vous connaissez un
homme de cinquante ans plus alerte et mieux conserve que vous?
--C'est fort bien; mais tu ne dis pas qu'etant ne dans un temps de trouble
et de revolution, mon education premiere fut fort negligee.
--Pardine, Monsieur, voudriez-vous pas etre ne vingt ans plus tot, et avoir
aujourd'hui soixante-dix ans? Voila une drole d'idee! Vous etes ne fort a
point, puisque vous avez encore, Dieu merci, longtemps a vivre. Quant a
l'education, rien n'y manqua: vous futes mis au college a Bourges, et
monsieur y travailla fort bien.
--Fort mal, au contraire. Je n'avais pas ete habitue au travail de
l'esprit; je m'endormais durant les lecons. Je n'avais pas la memoire
exercee; j'eus plus de peine a apprendre les elements des choses qu'un
autre a completer de bonnes etudes.
--Eh bien donc, vous eutes plus de merite qu'un autre, puisque vous eutes
plus de souci. Et d'ailleurs vous en saviez bien assez pour etre un
gentilhomme. Vous n'etiez pas destine a etre cure ou maitre d'ecole.
Aviez-vous besoin de tant de grec et de latin? Quand vous veniez ici en
vacances, vous etiez un jeune homme accompli; nul n'etait plus adroit que
vous aux exercices du corps: vous faisiez sauter votre balle jusque
par-dessus la grande tour, et lorsque vous appeliez vos chiens, vous aviez
la voix si forte qu'on vous entendait de Cuzion.
--Tout cela ne constitue pas de fort bonnes etudes, dit M. Antoine, riant
de ce panegyrique.
--Quand vous futes en age de quitter les ecoles, c'etait le temps de la
guerre avec les Autrichiens, les Prussiens et les Russiens. Vous vous
battites fort bien, a preuve que vous recutes plusieurs blessures.
--Peu graves, dit M. Antoine.
--Dieu mer
|