out une certaine crainte dont il ne se rendait
pas compte, avaient empeche jusque-la le comte de Guiche de
regarder attentivement la jeune Madame.
Celle-ci, au contraire, l'avait distingue tout d'abord et avait
demande a sa mere:
-- N'est-ce point Monsieur que nous apercevons sur cette barque?
Madame Henriette, qui connaissait Monsieur mieux que sa fille,
avait souri a cette erreur de son amour-propre et avait repondu:
-- Non, c'est M. de Guiche, son favori, voila tout.
A cette reponse, la princesse avait ete forcee de contenir
l'instinctive bienveillance provoquee par l'audace du comte. Ce
fut au moment ou la princesse faisait cette question que
de Guiche, osant enfin lever les yeux sur elle, put comparer
l'original au portrait.
Lorsqu'il vit ce visage pale, ces yeux animes, ces adorables
cheveux chatains, cette bouche fremissante et ce geste si
eminemment royal qui semblait remercier et encourager tout a la
fois, il fut saisi d'une telle emotion, que, sans Raoul, qui lui
preta son bras, il eut chancele.
Le regard etonne de son ami, le geste bienveillant de la reine,
rappelerent de Guiche a lui.
En peu de mots, il expliqua sa mission, dit comment il etait
l'envoye de Monsieur, et salua, selon leur rang et les avances
qu'ils lui firent, l'amiral et les differents seigneurs anglais
qui se groupaient autour des princesses.
Raoul fut presente a son tour et gracieusement accueilli; tout le
monde savait la part que le comte de La Fere avait prise a la
restauration du roi Charles II; en outre, c'etait encore le comte
qui avait ete charge de la negociation du mariage qui ramenait en
France la petite-fille de Henri IV.
Raoul parlait parfaitement anglais; il se constitua l'interprete
de son ami pres des jeunes seigneurs anglais auxquels notre langue
n'etait point familiere.
En ce moment parut un jeune homme d'une beaute remarquable et
d'une splendide richesse de costume et d'armes. Il s'approcha des
princesses, qui causaient avec le comte de Norfolk, et d'une voix
qui deguisait mal son impatience:
-- Allons, mesdames, dit-il, il faut descendre a terre.
A cette invitation, la jeune Madame se leva et elle allait
accepter la main que le jeune homme lui tendait avec une vivacite
pleine d'expressions diverses, lorsque l'amiral s'avanca entre la
jeune Madame et le nouveau venu.
-- Un moment, s'il vous plait, milord de Buckingham, dit-il; le
debarquement n'est point possible a cette heure pour des femm
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