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re, ses gestes, sa voix, ses idees. Brusquement, apres quelques instants de causerie, il me paraissait installe dans mon intimite. Toutes les portes etaient ouvertes entre nous, et je lui aurais fait peut-etre, sur moi-meme, s'il les avait sollicitees, ces confidences que, d'ordinaire, on ne livre qu'aux plus anciens camarades. Certes, il y avait la un mystere. Ces barrieres fermees entre tous les etres, et que le temps pousse une a une, lorsque la sympathie, les gouts pareils, une meme culture intellectuelle et des relations constantes les ont decadenassees peu a peu, semblaient ne pas exister entre lui et moi, et, sans doute, entre lui et tous ceux, hommes et femmes, que le hasard jetait sur sa route. Au bout d'une demi-heure, nous nous separames en nous promettant de nous revoir souvent, et il me donna son adresse apres m'avoir invite a dejeuner, le surlendemain. Ayant oublie l'heure, j'arrivai trop tot; il n'etait pas rentre. Un domestique correct et muet ouvrit devant moi un beau salon un peu sombre, intime, recueilli. Je m'y sentis a l'aise, comme chez moi. Que de fois j'ai remarque l'influence des appartements sur le caractere et sur l'esprit! Il y a des pieces ou on se sent toujours bete; d'autres, au contraire, ou on se sent toujours verveux. Les unes attristent, bien que claires, blanches et dorees; d'autres egayent, bien que tenturees d'etoffes calmes. Notre oeil, comme notre coeur, a ses haines et ses tendresses, dont souvent il ne nous fait point part, et qu'il impose secretement, furtivement, a notre humeur. L'harmonie des meubles, des murs, le style d'un ensemble agissent instantanement sur notre nature intellectuelle comme l'air des bois, de la mer ou de la montagne modifie notre nature physique. Je m'assis sur un divan disparu sous les coussins, et je me sentis soudain soutenu, porte, capitonne par ces petits sacs de plume couverts de soie, comme si la forme et la place de mon corps eussent ete marquees d'avance sur ce meuble. Puis je regardai. Rien d'eclatant dans la piece; partout de belles choses modestes, des meubles simples et rares, des rideaux d'Orient qui ne semblaient pas venir du Louvre, mais de l'interieur d'un harem, et, en face de moi, un portrait de femme. C'etait un portrait de moyenne grandeur, montrant la tete et le haut du corps, et les mains qui tenaient un livre. Elle etait jeune nu-tete, coiffee de bandeaux plats, souriant un peu tristement. Est-ce parce qu'elle avait
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