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la tete nue, ou bien par l'impression de son allure si naturelle, mais jamais portrait de femme ne me parut etre chez lui autant que celui-la, dans ce logis. Presque tous ceux que je connais sont en representation, soit que la dame ait des vetements d'apparat, une coiffure seyante, un air de bien savoir qu'elle pose devant le peintre d'abord, et ensuite devant tous ceux qui la regarderont, soit qu'elle ait pris une attitude abandonnee dans un neglige bien choisi. Les unes sont debout, majestueuses, en pleine beaute, avec un air de hauteur qu'elles n'ont pas du garder longtemps dans l'ordinaire de la vie. D'autres minaudent, dans l'immobilite de la toile; et toutes ont un rien, une fleur ou un bijou, un pli de robe ou de levre qu'on sent pose par le peintre, pour l'effet. Qu'elles portent un chapeau, une dentelle sur la tete, ou leurs cheveux seulement, on devine en elles quelque chose qui n'est point tout a fait naturel. Quoi? On l'ignore, puisqu'on ne les a pas connues, mais on le sent. Elles semblent en visite quelque part, chez des gens a qui elles veulent plaire, a qui, elles veulent se montrer avec tout leur avantage; et elles ont etudie leur attitude, tantot modeste, tantot hautaine. Que dire de celle-la? Elle etait chez elle, et seule. Oui, elle etait seule, car elle souriait comme on sourit quand on pense solitairement a quelque chose de triste et de doux, et non comme on sourit quand on est regardee. Elle etait tellement seule, et chez elle, qu'elle faisait le vide en tout ce grand appartement, le vide absolu. Elle l'habitait, l'emplissait, l'animait seule; il y pouvait entrer beaucoup de monde, et tout ce monde pouvait parler, rire, meme chanter; elle y serait toujours seule, avec un sourire solitaire, et, seule, elle le rendrait vivant, de son regard de portrait. Il etait unique aussi, ce regard. Il tombait sur moi tout droit, caressant et fixe, sans me voir. Tous les portraits savent qu'ils sont contemples, et ils repondent avec les yeux, avec des yeux qui voient, qui pensent, qui nous suivent, sans nous quitter, depuis notre entree jusqu'a notre sortie de l'appartement qu'ils habitent. Celui-la ne me voyait pas, ne voyait rien, bien que son regard fut plante sur moi, tout droit. Je me rappelai le vers surprenant de Baudelaire: Et tes yeux attirants comme ceux d'un portrait. Ils m'attiraient, en effet, d'une facon irresistible, jetaient en moi un trouble etrange, puissant, nouveau, ces yeux
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