certains
peuples du Nord, et sa barbe fine, assez longue, tombant sur la
poitrine, avait aussi des airs de fourrure. Il causait avec une
femme, penche vers elle, parlant a voix basse, en la regardant avec un
oeil doux, plein d'hommages et de caresses.
Je savais sa vie, ou du moins ce qu'on en connaissait. Il avait ete
aime follement, plusieurs fois; et des drames avaient eu lieu ou son
nom se trouvait mele. On parlait de lui comme d'un homme tres
seduisant, presque irresistible. Lorsque j'interrogeais les femmes qui
faisaient le plus son eloge, pour savoir d'ou lui venait cette
puissance, elles repondaient toujours, apres avoir quelque temps
cherche:
--Je ne sais pas ... c'est du charme.
Certes, il n'etait pas beau. Il n'avait rien des elegances dont nous
supposons doues les conquerants de coeurs feminins. Je me demandais,
avec interet, ou etait cachee sa seduction. Dans l'esprit?... On ne
m'avait jamais cite ses mots ni meme celebre son intelligence ...
Dans le regard?... Peut-etre ... Ou dans la voix?... La voix de
certains etres a des graces sensuelles, irresistibles, la saveur des
choses exquises a manger. On a faim de les entendre, et le son de
leurs paroles penetre en nous comme une friandise.
Un ami passait. Je lui demandai:
--Tu connais M. Milial?
--Oui.
--Presente-nous donc l'un a l'autre.
Une minute plus tard, nous echangions une poignee de main et nous
causions entre deux portes. Ce qu'il disait etait juste, agreable a
entendre, sans contenir rien de superieur. La voix en effet, etait
belle, douce, caressante, musicale; mais j'en avais entendu de plus
prenantes, de plus remuantes. On l'ecoutait avec plaisir, comme on
regarderait couler une jolie source. Aucune tension de pensee n'etait
necessaire pour le suivre, aucun sous-entendu ne surexcitait la
curiosite, aucune attente ne tenait en eveil l'interet. Sa
conversation etait plutot reposante et n'allumait point en nous soit
un vif desir de repondre et de contredire, soit une approbation ravie.
Il etait d'ailleurs aussi facile de lui donner la replique que de
l'ecouter. La reponse venait aux levres d'elle-meme, des qu'il avait
fini de parler, et les phrases allaient vers lui comme si ce qu'il
avait dit les faisait sortir de la bouche naturellement.
Une reflexion me frappa bientot. Je le connaissais depuis un quart
d'heure, et il me semblait qu'il etait un de mes anciens amis, que
tout, de lui, m'etait familier depuis longtemps: sa figu
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