t-ce qui aurait pu l'embarrasser ou le
surprendre?
Or, le seizieme jour, au matin, je recus de mon jardinier, gardien de
ma maison pillee et demeuree vide, l'etrange lettre que voici:
"Monsieur,
"J'ai l'honneur d'informer monsieur
qu'il s'est passe, la nuit derriere, quelque
chose que personne ne comprend, et la
police pas plus que nous. Tous les meubles
sont revenus, tous sans exception,
tous, jusqu'aux plus petits objets. La
maison est maintenant toute pareille a ce
qu'elle etait la veille du vol. C'est a en
perdre la tete. Cela s'est fait dans la nuit
de vendredi a samedi. Les chemins sont
defonces comme si on avait traine tout de
la barriere a la porte. Il en etait ainsi le
jour de la disparition.
"Nous attendons monsieur, dont je
suis le tres humble serviteur.
"RAUDIN, PHILIPPE."
Ah! mais non, ah! mais non, ah! mais non. Je n'y retournerai pas!
Je portai la lettre au commissaire de Rouen.
--C'est une restitution tres adroite, dit-il. Faisons les morts.
Nous pincerons l'homme un de ces jours.
* * * * *
Mais on ne l'a pas pince. Non. Ils ne l'ont pas pince, et j'ai peur de
lui, maintenant, comme si c'etait une bete feroce lachee derriere moi.
Introuvable! il est introuvable, ce monstre a crane de lune! On ne le
prendra jamais. Il ne reviendra point chez lui. Que lui importe a lui.
Il n'y a que moi qui peux le rencontrer, et je ne veux pas.
Je ne veux pas! je ne veux pas! je ne veux pas!
Et s'il revient, s'il rentre dans sa boutique, qui pourra prouver que
mes meubles etaient chez lui? Il n'y a contre lui que mon temoignage;
et je sens bien qu'il devient suspect.
Ah! mais non! cette existence n'etait plus possible. Et je ne pouvais
pas garder le secret de ce que j'ai vu. Je ne pouvais pas continuer a
vivre comme tout le monde avec la crainte que des choses pareilles
recommencassent.
Je suis venu trouver le medecin qui dirige cette maison de sante, et
je lui ai tout raconte.
Apres m'avoir interroge longtemps, il m'a dit:
--Consentiriez-vous, monsieur, a rester quelque temps ici?
--Tres volontiers, monsieur.
--Vous avez de la fortune?
--Oui, monsieur.
--Voulez-vous un pavillon isole?
--Oui, monsieur.
--Voudrez-vous recevoir des amis?
--Non, monsieur, non, personne. L'homme de Rouen pourrait oser, par
vengeance, me poursuivre ici....
* * * * *
Et je suis seul, seul, tout seul, depuis trois mois
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