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s. Je ne refuse pas de voir le monde, de causer, de diner avec des amis, mais lorsque je les sens depuis longtemps pres de moi, meme les plus familiers, ils me lassent, me fatiguent, m'enervent, et j'eprouve une envie grandissante, harcelante, de les voir partir ou de m'en aller, d'etre seul. Cette envie est plus qu'un besoin, c'est une necessite irresistible. Et si la presence des gens avec qui je me trouve continuait, si je devais, non pas ecouter, mais entendre longtemps encore leurs conversations, il m'arriverait, sans aucun doute, un accident. Lequel? Ah! qui sait? Peut-etre une simple syncope? oui! probablement! J'aime tant etre seul que je ne puis meme supporter le voisinage d'autres etres dormant sous mon toit; je ne puis habiter Paris parce que j'y agonise indefiniment. Je meurs moralement, et suis aussi supplicie dans mon corps et dans mes nerfs par cette immense foule qui grouille, qui vit autour de moi, meme quand elle dort. Ah! le sommeil des autres m'est plus penible encore que leur parole. Et je ne peux jamais me reposer, quand je sais, quand je sens, derriere un mur, des existences interrompues par ces regulieres eclipses de la raison. Pourquoi suis-je ainsi! Qui sait? La cause en est peut-etre fort simple: je me fatigue tres vite de tout ce qui ne se passe pas en moi. Et il y a beaucoup de gens dans mon cas. Nous sommes deux races sur la terre. Ceux qui ont besoin des autres, que les autres distraient, occupent, reposent, et que la solitude harasse, epuise, aneantit, comme l'ascension d'un terrible glacier ou la traversee du desert, et ceux que les autres, au contraire, lassent, ennuient, genent, courbaturent, tandis que l'isolement les calme, les baigne de repos dans l'independance et la fantaisie de leur pensee. En somme, il y a la un normal phenomene psychique. Les uns sont doues pour vivre en dehors, les autres pour vivre en dedans. Moi, j'ai l'attention exterieure courte et vite epuisee, et, des qu'elle arrive a ses limites, j'en eprouve dans tout mon corps et dans toute mon intelligence, un intolerable malaise. Il en est resulte que je m'attache, que je m'etais attache beaucoup aux objets inanimes qui prennent, pour moi, une importance d'etres, et que ma maison est devenue, etait devenue, un monde ou je vivais d'une vie solitaire et active, au milieu de choses, de meubles, de bibelots familiers, sympathiques a mes yeux comme des visages. Je l'en avais emplie peu a peu, je l'en avais pa
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