ulee autour de son bras gauche, il tient une epee, il enleve le flot
de rubans place entre les cornes de la bete, qu'il ne frappe jamais, et,
ce flot de rubans conquis au peril de sa vie, il va le deposer aux
pieds de la plus belle... C'est un brave que vous aimerez quand vous le
connaitrez.
--Ainsi, dit Pardaillan, revenant a son idee premiere, le roi est
tellement presse d'argent qu'il ne dedaigne pas de se mettre a la tete
d'une armee de detrousseurs?
--La question d'argent, la repression de l'heresie, les executions en
masse... s'il n'y avait que cela, le roi laisserait faire ses ministres
et generaux... Tout cela n'est que pretexte pour masquer le veritable
but que nul ne connait en dehors du roi et du grand inquisiteur... et
que, seul, je devine, murmura Cervantes.
--Par Dieu! je me disais aussi qu'il devait y avoir autre chose de plus
grave, la-dessous! s'ecria Pardaillan. Et, avec une sorte de curiosite:
--Voyons, est-ce qu'Elisabeth d'Angleterre menacerait d'envahir
l'Espagne?...
--Ne cherchez pas, chevalier, vous ne trouveriez pas!... Cette
expedition formidable, dans laquelle des milliers d'innocentes victimes
seront sacrifiees, est dirigee contre... un seul homme! C'est un
jeune homme de vingt-deux ans environ, qui n'a pas de nom, pas de
fortune--car, s'il gagne largement sa vie dans le perilleux metier qu'il
a choisi, ce qu'il gagne appartient plus aux malheureux qu'a lui-meme.
C'est un homme qui, lorsqu'il ne descend pas dans l'arene, passe son
existence dans les ganaderias ou il dompte le taureau pour son propre
plaisir. Vous voyez que ce n'est ni un conspirateur ni un personnage.
--C'est le toreador dont vous me parliez avec tant de chaleur...
--Lui-meme, chevalier.
--Je comprends maintenant que vous me disiez que je l'aimerais quand je
le connaitrais... Mais dites-moi, il est donc d'une, illustre famille,
ce jeune homme sans nom?
Cervantes jeta un coup d'oeil soupconneux autour de lui, vint s'asseoir
tout pres de Pardaillan, et dans un souffle:
--C'est, dit-il, le fils de l'infant don Carlos, mort assassine, il y a
vingt-deux ans.
--Le petit-fils du roi Philippe!... L'heritier, alors, de la couronne
d'Espagne, au lieu et place de don Philippe, l'infant actuel?...
Silencieusement, Cervantes approuvait de la tete.
--C'est le grand-pere, monarque puissant, qui organise et dirige une
expedition contre son petit-fils, obscur, pauvre, faible... Il y a
la-dessous quelque sombre sec
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