ore..."
Subitement, Jean fut pris d'une grande tristesse ennuyee. Ces
retours de l'enfant prodigue, apres les joies de l'arrivee,
l'orgie de veau gras et d'effusions tendres, souffrent toujours
des hantises de la vie nomade, du regret des glands amers et du
paresseux troupeau a conduire. C'est un desenchantement qui tombe
des choses et des etres, tout a coup depouilles et decolores. Les
matins de l'hiver provencal n'avaient plus pour lui leur salubre
allegresse, ni d'attrait la chasse aux belles loutres mordorees,
le long des berges, ni le tir aux macreuses dans le _naye-chien_
du vieil Abrieu. Jean trouvait le vent dur, l'eau reche, et bien
monotones les promenades dans les vignes inondees avec l'oncle
expliquant son systeme de vannes, martelieres, rigoles d'amenee.
Le village qu'il revoyait les premiers jours a travers ses courses
joyeuses de gamin, baraques anciennes, quelques-unes abandonnees,
sentait la mort et la desolation d'un village italien; et quand il
allait a la poste, il lui fallait subir, sur la pierre branlante
de chaque porte, le rabachage de tous ces vieux tordus comme des
plein-vent, les bras passes dans des morceaux de bas tricotes, de
ces vieilles au menton de buis jaune sous leurs coiffes serrees,
aux petits yeux luisants et fretillants comme il en brille aux
lezardes des vieux murs.
Toujours les memes lamentations sur la mort des vignes, la fin de
la garance, la maladie des muriers, les sept plaies d'Egypte
ruinant ce beau pays de Provence; et pour les eviter, quelquefois
il revenait par les ruelles en pente qui longent les anciens murs
d'enceinte du chateau des Papes, ruelles desertes encombrees de
broussailles, de ces grandes herbes de Saint-Roch pour guerir les
dartres, bien a leur place dans ce coin moyen age, ombre de
l'enorme ruine dechiquetee en haut du chemin.
Alors il rencontrait le cure Malassagne venant de dire sa messe et
descendant a grands pas furieux, le rabat de travers, sa soutane
relevee a deux mains, a cause des ronces et des teignes. Le pretre
s'arretait, tonnait contre l'impiete des paysans, l'infamie du
conseil municipal; il jetait sa malediction sur les champs, les
betes et les hommes, des malandrins qui ne venaient plus a
l'office, qui enterraient leurs morts sans sacrements, se
soignaient par le magnetisme, le spiritisme, pour s'epargner le
pretre et le medecin:
-- Oui, monsieur, le spiritisme!... voila ou ils en arrivent, nos
paysans du Comtat... Et vous ne v
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