tentation de le reveiller, Maso fut oblige de s'en aller. Mais il ne
s'en alla pas bien loin, voulant etre a portee d'entendre le premier
gazouillement du cheri, quand il se reveillerait.
Adosse contre une barriere rustique, les bras croises sur sa poitrine
nue, le bon Maso s'endormit tout debout, comme une sentinelle
negligente, ayant a ses cotes son grand chien qui dormait comme son
maitre.
Tout a coup il sembla a Maso que son chien se frottait contre lui, et
qu'en meme temps quelqu'un tirait son chapeau.
Il tressaillit, ouvrit les yeux, et partit d'un grand eclat de rire en
voyant Nino qui le regardait d'un air surpris, et qui s'efforcait de lui
prendre son chapeau pour le punir de ne lui avoir pas fait de risettes.
Les eclats de rire de Maso etaient toujours formidables, mais celui-la
etait si inattendu que Nino se rejeta sur sa mere et se cacha la figure
contre son epaule.
IV
Apres le premier mouvement de terreur enfantine, il se tourna de nouveau
vers son pere, et, comme son pere lui tendait les bras, il lui tendit
les bras de son cote.
La paix etait faite; mais la paix ne se fait jamais sans que le vaincu
accepte les conditions du vainqueur. Le vaincu, c'etait Maso. Les
vainqueurs, c'etaient la mere et le petit garcon.
La mere, avant de livrer son precieux fardeau aux mains robustes et
halees qui se tendaient vers lui, dit a son mari d'un petit air moqueur
qui lui allait bien: "Surtout ne l'ecrase pas, et ne le laisse pas
tomber.
--Bon, c'est convenu", repondit le dieu antique du ton le plus benevole.
Et alors seulement il put prendre possession du second vainqueur.
Le second vainqueur s'attaqua a la barbe, aux levres, aux yeux, aux
sourcils du vaincu, et revint finalement a son chapeau.
Le vainqueur etait si agressif et si temeraire, le vaincu si patient et
si heureux d'etre malmene et maltraite, que le grand chien en poussait
de petits cris de tendresse, et frottait sa tete contre la jambe du
vaincu, les yeux fixes sur le vainqueur, pour bien montrer qu'il entrait
dans l'esprit de la chose, et qu'il prenait sa part de toute cette joie.
En ce moment, deux personnages nouveaux entrerent en scene: Stella, la
soeur ainee, qui avait sept ans, et Nono, le frere cadet, qui en avait
trois.
Tous deux etaient couronnes de pampres, en l'honneur des vendanges.
Ni le grand chien, ni le pere, ni le petit Nino ne s'apercurent de leur
arrivee; mais les meres de famille ont l'oeil a tout, meme
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