'ai plus l'habitude de desirer
grand'chose, je voudrais deja etre a ce moment-la; ca m'avancera
pourtant d'un jour sur le chemin du cimetiere: n'importe, je voudrais y
etre."
Pendant qu'une rougeur fugitive lui montait au visage, je le regardais
avec respect, et je pensais a part moi: "Si j'etais destine a rester
sur terre aussi longtemps que ce vieux paysan, quelle est celle de mes
occupations presentes qui pourrait me tenir fidele compagnie jusqu'au
bout, donner une force passagere a mon corps defaillant, rechauffer mon
coeur, satisfaire ma conscience et m'empecher d'etre comme un mort parmi
les vivants? oui, laquelle?"
Ce que je me suis repondu a moi-meme importe peu; quelles resolutions
j'ai prises, c'est mon affaire. Tout ce que je puis dire, c'est que
je m'estime heureux d'avoir vu travailler le pere Viaud et de l'avoir
entendu parler.
VI
INFLUENCE D'UN OURS SUR LES RELATIONS DE TROIS PETITES FILLES
A Paris, les petites filles ne peuvent pas voir leurs amies aussi
souvent qu'elles le voudraient. D'abord, Paris est grand et les
distances sont longues; et puis il y a les cours a suivre, les devoirs
a faire, les lecons de piano, les lecons de dessin, les occupations du
papa, et les obligations mondaines de la maman.
Au bord de la mer, au contraire, on demeure porte a porte, on a des
loisirs, on peut donc voisiner entre mamans et entre petites filles.
Cette annee-la, toute une societe de connaissances parisiennes s'etait
donne rendez-vous a Varangues-sur-Mer, et l'on voisinait ferme.
Le 18 aout, Mme de Larochemere avait donne une grande matinee de petites
filles, parce que c'etait la fete d'Helene, sa fille.
Au retour de cette fete, Mme Loudeac et sa petite Suzanne, pour revenir
chez elles, a la villa des Tamarix, suivaient un joli petit chemin
tournant et causaient de la fete:
"Alors, cherie, dit Mme Loudeac, tu t'es bien amusee.
--Oh oui! maman,... et puis, as-tu remarque Alix de Gayrel;... dis,
maman, l'as-tu remarquee?"
Les regards de Suzanne brillaient d'enthousiasme. Mme Loudeac ne put
s'empecher de sourire.
"Il y avait beaucoup de monde, dit-elle, et je ne suis pas bien sure....
--Oh! maman, reprit Suzanne d'un ton de reproche, c'etait la reine de la
fete: des yeux bleus, mais, vois-tu, d'un bleu..., et puis, des cheveux
blonds, mais, vois-tu, d'un blond..., pas en tresses, bien entendu....
--Pourquoi, bien entendu? demanda la maman, qui s'amusait de
l'enthousiasme de s
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