er. Il avait si peu conscience d'avoir commis
un crime, que, quand Stella l'avait si vertement tance, il apportait
triomphalement la branche a sa maman pour lui faire plaisir. Stella dut
reconnaitre que la justice n'est pas un vain mot.
A Nono, la jeune mere se contenta de dire ce qui peut entrer dans
l'intelligence d'un enfant de trois ans. Sans lui charger l'esprit de la
theorie des grappes futures, elle lui fit comprendre qu'un tout petit
enfant ne doit toucher a rien sans avoir demande conseil a son papa ou a
sa maman. C'est une regle dont l'application ne demande point de grands
efforts d'intelligence.
"Nono a compris", repondit le jeune delinquant.
Le pere n'eut point connaissance des exploits de sa petite femme; mais,
d'une maniere generale, il continua a en etre tres fier, parce qu'elle
"avait de la cervelle pour deux".
III
CHARLES KLIPMANN
J'ai lu quelque part que les savants, lorsqu'ils ont en tete une
decouverte importante, n'ont plus aucune idee de ce qui se passe autour
d'eux. M. Klipmann etait un grand chimiste, et il ne savait jamais ce
qui se passait dans sa maison, toute son attention etant concentree sur
ses cornues, sur ses alambics et sur ses petites fioles.
Comme il n'etait pas riche, il n'avait qu'une seule domestique, la
vieille Francoise. La vieille Francoise passait sa vie a se desesperer,
parce-que Monsieur tachait et dechirait ses vetements, sans s'en
apercevoir, mettait tout le menage en desordre pour trouver un objet
qu'il tenait a la main, enfilait ses bas a l'envers, en songeant a autre
chose, sortait en vieilles pantoufles, mangeait sans se douter de ce
qu'il mangeait, s'etranglait en meditant des problemes, et, a toutes
les observations, repondait d'un air ahuri: "Eh oui! comment donc!
certainement!"
M. Klipmann avait, quelque part, un frere, qui etait demeure veuf avec
un petit garcon. Ce frere mourut. Pour une fois, M. Klipmann se laissa
habiller decemment par Francoise, alla enterrer ce frere qui etait mort
sans laisser un sou, prit le petit garcon par la main et l'emmena chez
lui.
"Voila un petit garcon, dit-il a Francoise, c'est mon neveu, vous savez,
oui, certainement! Je..., je l'adopte.
--Monsieur fait bien", repondit la vieille bonne, tres emue a la vue de
ce pauvre petit orphelin de quatre ans.
L'orphelin, qui s'appelait Charles, avait l'air d'un petit chat sauvage,
il se laissa embrasser en rechignant; mais la bonne Francoise etait trop
emue d
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