quait-on point, en passant outre, de blesser le
saint-siege, dont les dispositions etaient deja si douteuses?
[Note 271: Mabillon, _S. Bern. Op._; Not., fus. in ep. CLXXXVII, p.
LXV.--Le P. Longueval, _Hist. de l'Egl. gall._, t. IX, l. XXV, p. 22.]
Cependant, si le concile se separait sans statuer, et qu'il se recusat
ainsi lui-meme, la victoire d'Abelard etait complete, et l'Eglise, celle
de France du moins, prononcait sa propre condamnation. C'etait une faute
grave que saint Bernard ne pouvait commettre, et pour l'autorite une
mortelle atteinte qu'il ne pouvait souffrir. Il decida aisement le
concile a s'en defendre.
On se rappelle comment l'assemblee etait composee. Geoffroi de Chartres,
qui peut-etre n'eut pas engage l'affaire, et qui etait seul en mesure
de rivaliser d'influence avec l'abbe de Clairvaux, n'avait garde de
lui resister, et occupait desormais un rang trop important dans le
gouvernement de l'Eglise pour mettre au-dessus des interets de son
ordre les inspirations naturelles de sa moderation et de son equite.
L'archeveque de Sens pouvait hesiter; car trois ans a peine s'etaient
ecoules depuis qu'il avait ete suspendu par Innocent II, pour ne s'etre
pas arrete devant un appel au pape dans une question de droit canonique
sur la validite d'un mariage; mais ses debuts dans la carriere
episcopale n'avaient pas ete edifiants; sa reforme etait en partie
l'oeuvre de saint Bernard qui, apres lui avoir adresse, pour l'y
confirmer un traite sur _le devoir des eveques_, s'etait maintenu dans
l'usage de le gourmander severement toutes les fois qu'un caractere
violent et capricieux l'entrainait a quelque faute. "La justice a peri
dans votre coeur," lui ecrivait-il un jour. C'etait la le premier des
juges d'Abelard[272]. Quant a l'archeveque de Reims, elu depuis peu et
malgre le roi, qui resista longtemps a son installation, il n'avait
a grand'peine obtenu sa confirmation definitive que par l'energique
intervention du saint abbe, dont il se regardait comme la creature[273].
Atton, l'eveque de Troyes, avait ete l'ami d'Abelard; il l'avait protege
dans ses premiers malheurs; il lui devait, ce semble, un peu d'appui,
etant dans l'Eglise plutot du parti de Pierre le Venerable que de celui
de saint Bernard. Mais qui sait s'il ne se croyait point suspect par ses
antecedents memes, et s'il ne fut pas d'autant plus prompt a deserter
son ancien ami qu'il etait plus naturellement appele a le defendre?
D'ailleurs, il se peut
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