seul des caracteres de la divinite.]
III. Dieu ne fait pas plus pour celui qui est sauve que pour celui qui
ne l'est pas, tant que l'un et l'autre n'a pas de lui-meme consenti a la
grace divine; d'ou il suit, que par les forces du libre arbitre et de la
raison, l'homme peut rechercher la grace, s'y attacher, y consentir,
ou en d'autres termes, qu'une grace speciale n'est pas necessaire pour
obtenir la grace. C'est sur ce point que saint Bernard accuse Abelard,
quand il parle de la grace, de tomber dans l'heresie de Pelage[286].
[Note 286: Voyez les memes lettres.]
IV. Jesus-Christ ne nous a sauves que par son exemple, par les
perfections dont il nous a donne le divin modele, et par la
reconnaissance et l'amour que doit nous inspirer son sacrifice.
V. Dieu ne pouvait empecher le mal, puisqu'il l'a permis, c'est-a-dire
qu'etant la perfection meme, il ne pouvait par sa propre nature faire ce
qu'il a fait autrement qu'il ne l'a fait.
VI. Ce n'est pas dans l'oeuvre que reside le peche, mais dans la
volonte, ou plutot dans l'intention ou le consentement donne sciemment
au mal, de sorte que l'oeuvre en elle-meme ne nous rend ni meilleurs ni
pires, que l'ignorance exclut le peche, et que le peche n'est ni dans
l'acte, ni dans la tentation, ni dans la concupiscence, ni dans le
plaisir.
On doit entrevoir la portee de ces idees. A l'exception de la seconde
qui nous parait sans importance (car on ne voit pas ce qu'il y a de mal
a dire subtilement que, Jesus-Christ n'etant que le nom humain du Fils
ou le nom du Verbe fait homme, ce n'est pas en tant que Jesus-Christ
que le Fils est une personne de la Trinite), toutes ces maximes ont une
certaine gravite, et peuvent recevoir un sens qui compromette des dogmes
fondamentaux. Il serait oiseux de les discuter ici; nous l'avons fait
ailleurs[287]. Nous ne contesterons point que les principales opinions
incriminees ne se trouvent au moins en principe dans les ecrits
d'Abelard, et qu'interpretees avec une rigueur absolue, poussees a leur
extreme limite, elles ne soient heretiques, du moins par certaines de
leurs consequences. Mais nous affirmons, en pleine connaissance de
cause, qu'elles n'ont en general dans ses livres ni la gravite ni le
caractere qu'elles presentent comme citations isolees et dans la
forme arretee d'une redaction sommaire. Elles sont, chez leur
auteur, temperees par des declarations positives, modifiees par des
developpements ou des restrictions, qui permett
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