nues au chasseur les couche a
peine sous son flux nonchalant et silencieux.
Cette chambrette blanche et parfumee avait, en verite, et, comme a son
insu, un air de rendez-vous; mais elle semblait aussi le sanctuaire
d'un amour virginal et pur. Les bougies jetaient une clarte timide;
les fleurs semblaient fermer modestement leur sein a la lumiere; aucun
vetement de femme, aucun vestige de coquetterie ne s'etait oublie a
trainer sur les meubles: seulement un bouquet de pensees fletries et un
gant blanc decousu gisaient cote a cote sur la cheminee. Lionel, pousse
par un mouvement irresistible, prit le gant et le froissa dans ses
mains. C'etait comme l'etreinte convulsive et froide d'un dernier
adieu. Il prit le bouquet sans parfum, le contempla un instant, lit une
allusion amere aux fleurs qui le composaient, et le rejeta brusquement
loin de lui. Lavinia avait-elle pose la ce bouquet avec le dessein qu'il
fut commente par son ancien amant?
Lionel s'approcha de la fenetre et ecarta les rideaux pour faire
diversion, par le spectacle de la nature, a l'humeur qui le gagnait de
plus en plus. Ce spectacle etait magique. La maison, plantee dans le
roc, servait de bastion a une gigantesque muraille de rochers tailles a
pic, dont le Gave battait le pied. A droite tombait la cataracte avec un
bruit furieux; a gauche un massif d'epiceas se penchait sur l'abime; au
loin se deployait la vallee incertaine et blanchie par la lune. Un grand
laurier sauvage qui croissait dans une crevasse du rocher apportait ses
longues feuilles luisantes au bord de la fenetre, et la brise, en les
froissant l'une contre l'autre, semblait prononcer de mysterieuses
paroles.
Lavinia entra, tandis que Lionel etait plonge dans cette contemplation;
le bruit du torrent et de la brise empecha qu'il ne l'entendit. Elle
resta plusieurs minutes debout derriere lui, occupee sans doute a se
recueillir, et se demandant peut-etre si c'etait la l'homme qu'elle
avait tant aime; car, a cette heure d'emotion obligee et de situation
prevue, Lavinia croyait pourtant faire un reve. Elle se rappelait le
temps ou il lui aurait semble impossible de revoir sir Lionel sans
tomber morte de colere et de douleur. Et maintenant elle etait la,
douce, calme, indifferente peut-etre....
Lionel se retourna machinalement et la vit. Il ne s'y attendait pas, un
cri lui echappa; puis, honteux d'une telle inconvenance, confondu de ce
qu'il eprouvait, il fit un violent effort pour adresser
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