ent dans un jour. L'amour que j'ai pour
vous est un sentiment de toute la vie; et si vous n'acceptez le voeu que
je fais de vous consacrer la mienne, vous verrez, Madame, qu'un homme
du monde peut perdre tout respect des convenances et se soustraire a
l'empire de la froide raison. Oh! ne me reduisez pas au desespoir, ou
craigne-en les effets.
--Vous voulez donc que je m'explique decidement? repondit Lavinia. Eh
bien! je vais le faire. Savez-vous mon histoire, Monsieur?
--Oui, Madame, je sais tout; je sais qu'un miserable, que je regarde
comme le dernier des hommes, vous a indignement trompee et delaissee. La
compassion que votre infortune m'inspire ajoute a mon enthousiasme. Il
n'y a que les grandes ames qui soient condamnees a etre victimes des
hommes et de l'opinion.
--Eh bien! Monsieur reprit Lavinia, sachez que j'ai su profiter des
rudes lecons de ma destinee; sachez qu'aujourd'hui je suis en garde
contre mon propre coeur et contre celui d'autrui. Je sais qu'il n'est
pas toujours au pouvoir de l'homme de tenir ses serments, et qu'il
abuse aussitot qu'il obtient. D'apres cela, Monsieur, n'esperez pas
me flechir. Si vous parlez serieusement, voici ma reponse: "Je suis
invulnerable. Cette femme tant decriee pour l'erreur de sa jeunesse est
entouree desormais d'un rempart plus solide que la vertu, la mefiance."
--Ah! c'est que vous ne m'entendez pas, Madame, s'ecria le comte en se
jetant a ses genoux. Que je sois maudit si j'ai jamais eu la pensee de
m'autoriser de vos malheurs pour esperer des sacrifices que votre fierte
condamne....
--Etes-vous bien sur, en effet, de ne l'avoir eue jamais? dit Lavinia
avec son triste sourire.
--Eh bien, je serai franc, dit M. de Morangy avec un accent de verite ou
la _maniere_ du grand seigneur disparut entierement. Peut-etre l'ai-je
eue avant de vous connaitre, cette pensee que je repousse maintenant
avec remords. Devant vous la feinte est impossible, Lavinia: vous
subjuguez la volonte, vous aneantiriez la ruse, vous commandez le
veneration. Oh! depuis que je sais ce que vous etes, je jure que mon
adoration a ete digne de vous. Ecoutez-moi, Madame, et laissez-moi a vos
pieds attendre l'arret de ma vie. C'est par d'indissolubles serments que
je veux vous devouer tout mon avenir. C'est un nom honorable, j'ose le
croire, et une brillante fortune, dont je ne suis pas vain, vous le
savez, que je viens mettre a vos pieds, en meme temps qu'une ame qui
vous adore, un coeur qui n
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