s dont j'accompagnais mon travail. Il y avait
la plus d'une mine a explorer, et je ne pouvais resister au desir de
puiser un peu dans chacune, au risque de ne pas classer bien sagement
mes conquetes.
Tel qu'il est, l'ouvrage a de l'interet et, contre ma coutume quand il
s'agit de mes ouvrages, j'en conseille la lecture. On y apprendra
beaucoup de choses qui ne sont pas nouvelles pour les gens instruits,
mais qui, par leur rapprochement, jettent une certaine lumiere sur les
preoccupations et, par consequent, sur l'esprit du siecle de
Marie-Therese et de Frederic II, de Voltaire et de Cagliostro: siecle
etrange, qui commence par des chansons, se developpe dans des
conspirations bizarres, et aboutit, par des idees profondes, a des
revolutions formidables!
Que l'on fasse bon marche de l'intrigue et de l'invraisemblance de
certaines situations; que l'on regarde autour de ces gens et de ces
aventures de ma fantaisie, on verra un monde ou je n'ai rien invente, un
monde qui existe et qui a ete beaucoup plus fantastique que mes
personnages et leurs vicissitudes: de sorte que je pourrais dire que ce
qu'il y a de plus impossible dans mon livre, est precisement ce qui
s'est passe dans la realite des choses.
GEORGE SAND.
Nohant, 15 septembre 1854.
CONSUELO
I.
"Oui, oui, Mesdemoiselles, hochez la tete tant qu'il vous plaira; la
plus sage et la meilleure d'entre vous, c'est ... Mais je ne veux pas le
dire; car c'est la seule de ma classe qui ait de la modestie, et je
craindrais, en la nommant, de lui faire perdre a l'instant meme cette
rare vertu que je vous souhaite....
--_In nomine Patris, et Filii, et Spiritu Sancto_, chanta la Costanza
d'un air effronte.
--_Amen_, chanterent en choeur toutes les autres petites filles.
--Vilain mechant! dit la Clorinda en faisant une jolie moue, et en
donnant un petit coup du manche de son eventail sur les doigts osseux et
rides que le maitre de chant laissait dormir allonges sur le clavier
muet de l'orgue.
--A d'autres! dit le vieux professeur, de l'air profondement desabuse
d'un homme qui, depuis quarante ans, affronte six heures par jour toutes
les agaceries et toutes les mutineries de plusieurs generations
d'enfants femelles. Il n'en est pas moins vrai, ajouta-t-il en mettant
ses lunettes dans leur etui et sa tabatiere dans sa poche, sans lever
les yeux sur l'essaim railleur et courrouce, que cette sage, cette
docile, cette studieuse, cette attentive, ce
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