s et passionnees de sa langue natale.
Anzoleto raconta tout ce qui lui etait arrive, meme ses galanteries
aupres de la Corilla, et surtout les agaceries qu'il en avait recues.
Seulement, il raconta les choses d'une certaine facon, disant tout ce
qui ne pouvait affliger Consuelo, puisque, de fait et d'intention, il
lui avait ete fidele, et c'etait _presque_ toute la verite. Mais il y a
centieme partie de verite que nulle enquete judiciaire n'a jamais
eclairee, que nul client n'a jamais confessee a son avocat, et que nul
arret n'a jamais atteinte qu'au hasard, parce que dans ce peu de faits
ou d'intentions qui reste mysterieux, est la cause tout entiere, le
motif, le but, le mot enfin de ces grands proces toujours si mal plaides
et toujours si mal juges, quelles que soient la passion des orateurs et
la froideur des magistrats.
Pour en revenir a Anzoleto, il n'est pas besoin de dire quelles
peccadilles il passa sous silence, quelles emotions ardentes devant le
public il traduisit a sa maniere, et quelles palpitations etouffees dans
la gondole il oublia de mentionner. Je crois meme qu'il ne parla point
du tout de la gondole, et qu'il rapporta ses flatteries a la cantatrice
comme les adroites moqueries au moyen desquelles il avait echappe sans
l'irriter aux perilleuses avances dont elle l'avait accable. Pourquoi,
ne voulant pas et ne pouvant pas dire le fond des choses, c'est-a-dire
la puissance des tentations qu'il avait surmontees par prudence et par
esprit de conduite, pourquoi, dites-vous, chere lectrice, ce jeune
fourbe allait-il risquer d'eveiller la jalousie de Consuelo? Vous me le
demandez, Madame? Dites-moi donc si vous n'avez pas pour habitude de
conter a l'amant, je veux dire a l'epoux de votre choix, tous les
hommages dont vous avez ete entouree par les autres, tous les aspirants
que vous avez econduits, tous les rivaux que vous avez sacrifies, non
seulement avant l'hymen, mais apres, mais tous les jours de bal, mais
hier et ce matin encore! Voyons, Madame, si vous etes belle, comme je me
complais a le croire, je gage ma tete que vous ne faites point autrement
qu'Anzoleto, non pour vous faire valoir, non pour faire souffrir un ame
jalouse, non pour enorgueillir un coeur trop orgueilleux deja de vos
preferences; mais parce qu'il est doux d'avoir pres de soi quelqu'un a
qui l'on puisse raconter ces choses-la, tout en ayant l'air d'accomplir
un devoir, et de se confesser en se vantant au confesseur. Seulement,
Ma
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