e d'algues marines, et une couverture d'indienne piquee fort
propre, mais rapetassee en mille endroits avec des morceaux de toutes
couleurs, une chaise de paille, une petite table, une guitare fort
ancienne, et un Christ de filigrane, uniques richesses que sa mere lui
avait laissees; une petite epinette, et un gros tas de vieille musique
rongee des vers, que le professeur Porpora avait la generosite de lui
preter: tel etait l'ameublement de la jeune artiste, fille d'une pauvre
Bohemienne, eleve d'un grand maitre et amoureuse d'un bel aventurier.
Comme il n'y avait qu'une chaise, et que la table etait couverte de
musique, il n'y avait qu'un siege pour Anzoleto; c'etait le lit, et il
s'en accommoda sans facon. A peine se fut-il assis sur le bord, que la
fatigue s'emparant de lui, il laissa tomber sa tete sur un gros coussin
de laine qui servait d'oreiller, en disant:
"Oh! ma chere petite femme, je donnerais en cet instant tout ce qui me
reste d'annees a vivre pour une heure de bon sommeil, et tous les
tresors de l'univers pour un bout de cette couverture sur mes jambes. Je
n'ai jamais eu si froid que dans ces maudits habits, et le malaise de
cette insomnie me donne le frisson de la fievre."
Consuelo hesita un instant. Orpheline et seule au monde a dix-huit ans,
elle ne devait compte qu'a Dieu de ses actions. Croyant a la promesse
d'Anzoleto comme a la parole de l'Evangile, elle ne se croyait menacee
ni de son degout ni de son abandon en cedant a tous ses desirs. Mais un
sentiment de pudeur qu'Anzoleto n'avait jamais ni combattu ni altere en
elle, lui fit trouver sa demande un peu grossiere. Elle s'approcha de
lui, et lui toucha la main. Cette main etait bien froide en effet, et
Anzoleto prenant celle de Consuelo la porta a son front, qui etait
brulant.
"Tu es malade! lui dit-elle, saisie d'une sollicitude qui fit taire
toutes les autres considerations. Eh bien, dors une heure sur ce lit."
Anzoleto ne se le fit pas dire deux fois.
"Bonne comme Dieu meme!" murmura-t-il en s'etendant sur le matelas
d'algue marine.
Consuelo l'entoura de sa couverture; elle alla prendre dans un coin
quelques pauvres hardes qui lui restaient, et lui en couvrit les pieds.
"Anzoleto, lui dit-elle a voix basse tout en remplissant ce soin
maternel, ce lit ou tu vas dormir, c'est celui ou j'ai dormi avec ma
mere les dernieres annees de sa vie; c'est celui ou je l'ai vue mourir,
ou je l'ai enveloppee de son drap mortuaire, ou j'ai vei
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