l eut attendu presque un quart d'heure sur
l'escalier, il fut admis enfin a voir son amie revetue de sa toilette de
fete, dont elle avait voulu faire l'epreuve devant lui. Elle avait une
jolie robe de toile de Perse a grandes fleurs, un fichu de dentelles, et
de la poudre. Elle etait si changee ainsi, qu'Anzoleto resta quelques
instants incertain, ne sachant si elle avait gagne ou perdu a cette
transformation. L'irresolution que Consuelo lut dans ses yeux fut pour
elle un coup de poignard.
"Ah! tiens, s'ecria-t-elle, je vois bien que je ne te plais pas ainsi. A
qui donc semblerai-je supportable, si celui qui m'aime n'eprouve rien
d'agreable en me regardant?
--Attends donc un peu, repondit Anzoleto; d'abord je suis frappe de ta
belle taille dans ce long corsage, et de ton air distingue sous ces
dentelles. Tu portes a merveille les larges plis de ta jupe. Mais je
regrette tes cheveux noirs ... du moins je le crois.... Mais c'est la
tenue du peuple, et il faut que tu sois demain une signora.
--Et pourquoi faut-il que je sois une signora? Moi, je hais cette poudre
qui affadit, et qui vieillit les plus belles. J'ai l'air empruntee sous
ces falbalas; en un mot, je me deplais ainsi, et je vois que tu es de
mon avis. Tiens, j'ai ete ce matin a la repetition, et j'ai vu la
Clorinda qui essayait aussi une robe neuve. Elle etait si pimpante, si
brave, si belle (oh! celle-la est heureuse, et il ne faut pas la
regarder deux fois pour s'assurer de sa beaute), que je me sens effrayee
de paraitre a cote d'elle devant le comte.
--Sois tranquille, le comte l'a vue; mais il l'a entendue aussi.
--Et elle a mal chante?
--Comme elle chante toujours.
--Ah! mon ami, ces rivalites gatent le coeur. Il y a quelque temps si la
Clorinda, qui est une bonne fille malgre sa vanite, eut fait _fiasco_
devant un juge, je l'aurais plainte du fond de l'ame, j'aurais partage
sa peine et son humiliation. Et voila qu'aujourd'hui je me surprends a
m'en rejouir! Lutter, envier, chercher a se detruire mutuellement; et
tout cela pour un homme qu'on n'aime pas, qu'on ne connait pas! Je me
sens affreusement triste, mon cher amour, et il me semble que je suis
aussi effrayee de l'idee de reussir que de celle d'echouer. Il me semble
que notre bonheur prend fin, et que demain apres l'epreuve, quelle
qu'elle soit, je rentrerai dans cette pauvre chambre, tout autre que je
n'y ai vecu jusqu'a present.
Deux grosses larmes roulerent sur les joues de Consuel
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