s mauvais conseils ni les mauvais exemples, tu
as le feu sacre ... tu as le genie!... Helas! un feu qui n'eclairera
rien de grand, un genie qui demeurera sterile ... car, je le vois dans
tes yeux, comme je l'ai senti dans ta poitrine, tu n'as pas le culte de
l'art, tu n'as pas de foi pour les grands maitres, ni de respect pour
les grandes creations; tu aimes la gloire, rien que la gloire, et pour
toi seul ... Tu aurais pu ... tu pourrais ... Mais non, il est trop tard,
ta destinee sera la course d'un meteore, comme celle de...."
Et le professeur enfoncant brusquement son chapeau sur sa tete, tourna
le dos, et s'en alla sans saluer personne, absorbe qu'il etait dans le
developpement interieur de son enigmatique sentence.
Quoique tout le monde s'efforcat de rire des bizarreries du professeur,
elles laisserent une impression penible et comme un sentiment de doute
et de tristesse durant quelques instants. Anzoleto fut le premier qui
parut n'y plus songer, bien qu'elles lui eussent cause une emotion
profonde de joie, d'orgueil, de colere et d'emulation dont toute sa vie
devait etre desormais la consequence. Il parut uniquement occupe de
plaire a la Corilla; et il sut si bien le lui persuader, qu'elle s'eprit
de lui tres serieusement a cette premiere rencontre. Le comte Zustiniani
n'etait pas fort jaloux d'elle, et peut-etre avait-il ses raisons pour
ne pas la gener beaucoup. De plus, il s'interessait a la gloire et a
l'eclat de son theatre plus qu'a toute chose au monde; non qu'il fut
_vilain_ a l'endroit des richesses, mais parce qu'il etait vraiment;
fanatique de ce qu'on appelle les _beaux-arts_. C'est, selon moi, une
expression qui convient a un certain sentiment vulgaire; tout italien et
par consequent passionne sans beaucoup de discernement. Le _culte de
l'art_, expression plus moderne, et dont tout le monde ne se servait pas
il y a cent ans, a un sens tout autre que le _gout des beaux-arts_. Le
comte etait en effet _homme de gout_ comme on l'entendait alors,
amateur, et rien de plus. Mais la satisfaction de ce gout etait la plus
grande affaire de sa vie. Il aimait a s'occuper du public et a l'occuper
de lui; a frequenter les artistes, a regner sur la mode, a faire parler
de son theatre, de son luxe, de son amabilite, de sa magnificence. Il
avait, en un mot, la passion dominante des grands seigneurs de province,
l'ostentation. Posseder et diriger un theatre etait le meilleur moyen de
contenter et de divertir toute la
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