theatre l'a constate, et il ira ce soir chez la
Corilla. Mais le comte Zustiniani, qui comprend fort bien ce que cela
veut dire, et qui consent sans beaucoup de regrets a ce qu'il suspende
ses debuts, a defendu au medecin de demasquer la feinte, et a prie le
bon Stefanini de rentrer au theatre pour quelques jours.
--Mais, mon Dieu, que compte donc faire Anzoleto? Est-il decourage au
point de quitter le theatre?
--Oui, le theatre de San-Samuel. Il part dans un mois, pour la France
avec la Corilla. Cela t'etonne? Il fuit l'ombre que tu projettes sur
lui. Il remet son sort dans les mains d'une femme moins redoutable, et
qu'il trahira quand il n'aura plus besoin d'elle."
La Consuelo palit et mit les deux mains sur son coeur pret a se briser.
Peut-etre s'etait-elle flattee de ramener Anzoleto, en lui reprochant
doucement sa faute; et en lui offrant de suspendre ses propres debuts.
Cette nouvelle etait un coup de poignard, et la pensee de ne plus revoir
celui qu'elle avait tant aime ne pouvait entrer dans son esprit:
"Ah! c'est un mauvais reve, s'ecria-t-elle; il faut que j'aille le
trouver et qu'il m'explique cette vision. Il ne peut pas suivre cette
femme, ce serait sa perte. Je ne peux pas, moi, l'y laisser courir; je
le retiendrai, je lui ferai comprendre ses veritables interets, s'il est
vrai qu'il ne comprenne plus autre chose ... Venez avec moi, mon cher
maitre, ne l'abandonnons pas ainsi ...
--Je t'abandonnerais, moi, et pour toujours, s'ecria le Porpora indigne,
si tu commettais une pareille lachete. Implorer ce miserable, le
disputer a une Corilla? Ah! sainte Cecile, mefie-toi de ton origine
bohemienne, et songe a en etouffer les instincts aveugles et vagabonds.
Allons, suis-moi: on t'attend pour repeter. Tu auras, malgre toi, un
certain plaisir ce soir a chanter avec un maitre comme Stefanini. Tu
verras un artiste savant, modeste et genereux."
Il la traina au theatre, et la, pour la premiere fois, elle sentit
l'horreur de cette vie d'artiste, enchainee aux exigences du public,
condamnee a etouffer ses sentiments et a refouler ses emotions pour
obeir aux sentiments et flatter les emotions d'autrui. Cette repetition,
ensuite la toilette, et la representation du soir furent un supplice
atroce. Anzoleto ne parut pas. Le surlendemain il fallait debuter dans
un opera-bouffe de Galuppi: _Arcifanfano re de' matti_. On avait choisi
cette farce pour plaire a Stefanini, qui y etait d'un comique excellent.
Il fall
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