l'enchere le lit et la table de Consuelo;
ce lit ou il l'avait vue dormir, cette table ou il l'avait vue
travailler!
"O mon Dieu! deja plus rien d'elle!" s'ecria-t-il involontairement en se
tordant les mains.
Il eut envie d'aller poignarder la Corilla.
Au bout de trois jours il remonta sur le theatre avec la Corilla. Tous
deux furent outrageusement siffles, et on fut oblige de baisser le
rideau sans pouvoir achever la piece: Anzoleto etait furieux, et la
Corilla impassible.
"Voila ce que me vaut ta protection," lui dit-il d'un ton menacant des
qu'il se retrouva seul avec elle.
La prima-donna lui repondit avec beaucoup de tranquillite:
"Tu t'affectes de peu, mon pauvre enfant; on voit que tu ne connais
guere le public et que tu n'as jamais affronte ses caprices. J'etais si
bien preparee a l'echec de ce soir, que je ne m'etais pas donne la peine
de repasser mon role: et si je ne t'ai pas annonce ce qui devait
arriver, c'est parce que je savais bien que tu n'aurais pas le courage
d'entrer en scene avec la certitude d'etre siffle. Maintenant il faut
que tu saches ce qui nous attend encore. La prochaine fois nous serons
maltraites de plus belle. Trois, quatre, six, huit representations
peut-etre, se passeront ainsi; mais durant ces orages une opposition se
manifestera en notre faveur. Fussions-nous les derniers cabotins du
monde, l'esprit de contradiction et d'independance nous susciterait
encore des partisans de plus en plus zeles. Il y a tant de gens qui
croient se grandir en outrageant les autres, qu'il n'en manque pas qui
croient se grandir aussi en les protegeant. Apres une douzaine
d'epreuves, durant lesquelles la salle sera un champ de bataille entre
les sifflets et les applaudissements, les recalcitrants se fatigueront,
les opiniatres bouderont, et nous entrerons dans une nouvelle phase. La
portion du public qui nous aura soutenus sans trop savoir pourquoi, nous
ecoutera assez froidement; ce sera pour nous comme un nouveau debut, et
alors; c'est a nous, vive Dieu! de passionner cet auditoire, et de
rester les maitres. Je te predis de grands succes pour ce moment-la,
cher Anzoleto; le charme qui pesait sur toi naguere sera dissipe. Tu
respireras une atmosphere d'encouragements et de douces louanges qui te
rendra ta puissance. Rappelle-toi l'effet que tu as produit chez
Zustiniani la premiere fois que tu t'es fait entendre. Tu n'eus pas le
temps de consolider ta conquete; un astre plus brillant est venu t
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