de lui adresser quelques
paroles d'interet et de politesse. Mais le digne homme, outre que la
nature lui avait donne un exterieur froid et reserve, etait devenu,
depuis plusieurs annees d'une retraite absolue, tellement etranger au
monde, que sa timidite avait redouble, et que, sous un aspect grave et
severe au premier abord, il cachait le trouble et la confusion d'un
enfant. L'obligation qu'il s'imposa de parler italien (langue qu'il
avait sue passablement, mais dont il n'avait plus l'habitude) ajoutant a
son embarras, il ne put que balbutier quelques paroles que Consuelo
entendit a peine, et qu'elle prit pour le langage inconnu et mysterieux
des ombres.
Amelie, qui s'etait promis de se jeter a son cou pour l'apprivoiser tout
de suite, ne trouva rien a lui dire, ainsi qu'il arrive souvent par
contagion aux natures les plus entreprenantes, lorsque la timidite
d'autrui semble prete a reculer devant leurs prevenances.
Consuelo fut introduite dans la grande salle ou l'on avait soupe. Le
comte, partage entre le desir de lui faire honneur, et la crainte de lui
montrer son fils plonge dans un sommeil lethargique, s'arreta irresolu;
et Consuelo, toute tremblante, sentant ses genoux flechir, se laissa
tomber sur le premier siege qui se trouva aupres d'elle.
"Mon oncle, dit Amelie qui comprenait l'embarras du vieux comte, je
crois que nous ferions bien de recevoir ici la signora. Il y fait plus
chaud que dans le grand salon, et elle doit etre transie par ce vent
d'orage si froid dans nos montagnes. Je vois avec chagrin qu'elle tombe
de fatigue, et je suis sure qu'elle a plus besoin d'un bon souper et
d'un bon sommeil que de toutes nos ceremonies. N'est-il pas vrai, ma
chere signora?" ajouta-t-elle en s'enhardissant jusqu'a presser
doucement de sa jolie main potelee le bras languissant de Consuelo.
Le son de cette voix fraiche qui prononcait l'italien avec une rudesse
allemande tres-franche, rassura Consuelo. Elle leva ses yeux voiles par
la crainte sur le joli visage de la jeune baronne, et ce regard echange
entre elles rompit la glace aussitot. La voyageuse comprit tout de suite
que c'etait la son eleve, et que cette charmante tete n'etait pas celle
d'un fantome. Elle repondit a l'etreinte de sa main, confessa qu'elle
etait tout etourdie du bruit de la voiture, et que l'orage l'avait
beaucoup effrayee. Elle se preta a tous les soins qu'Amelie voulut lui
rendre, s'approcha du feu, se laissa debarrasser de son mantelet,
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