es, de
richesses, et d'esperances superbes, je vais voir de nouvelles contrees,
subjuguer de nouveaux amants, charmer un peuple nouveau. Quand tout cela
serait vrai, crois-tu que quelque chose au monde puisse me consoler
d'avoir ete abandonnee de tous mes amis, chassee de mon trone, et d'y
voir monter devant moi une autre idole? Et cette honte, la premiere de
ma vie, la seule dans toute ma carriere, elle m'est infligee sous tes
yeux; que dis-je! elle m'est infligee par toi; elle est l'ouvrage de mon
amant, du premier homme que j'aie aime lachement, eperdument! Tu dis
encore que je suis fausse et mechante, que j'ai affecte devant toi une
grandeur hypocrite, une generosite menteuse; c'est toi qui l'as voulu
ainsi, Anzoleto. J'etais offensee, tu m'as prescrit de paraitre
tranquille, et je me suis tenue tranquille; j'etais mefiante, tu m'as
commande de te croire sincere, et j'ai cru en toi; j'avais la rage et la
mort dans l'ame, tu m'as dit de sourire, et j'ai souri; j'etais furieuse
et desesperee, tu m'as ordonne de garder le silence, et je me suis tue.
Que pouvais-je faire de plus que de m'imposer un caractere qui n'etait
pas le mien, et de me parer d'un courage qui m'est impossible? Et quand
ce courage m'abandonne, quand ce supplice devient intolerable, quand je
deviens folle et que mes tortures devraient briser ton coeur, tu me
foules aux pieds, et tu veux m'abandonner mourante dans la fange ou tu
m'as plongee! Anzoleto, vous avez un coeur de bronze, et moi je suis
aussi peu de chose que le sable des greves qui se laisse tourmenter et
emporter par le flot rongeur. Ah! gronde-moi, frappe-moi, outrage-moi,
puisque c'est le besoin de ta force; mais plains-moi du moins au fond de
ton ame; et a la mauvaise opinion que tu as de moi, juge de l'immensite
de mon amour, puisque je souffre tout cela et demande a le souffrir
encore.
"Mais ecoute, mon ami, lui dit-elle avec plus de douceur et en
l'enlacant dans ses bras: ce que tu m'as fait souffrir n'est rien aupres
de ce que j'eprouve en songeant a ton avenir et a ton propre bonheur. Tu
es perdu, Anzoleto, cher Anzoleto! perdu sans retour. Tu ne le sais pas,
tu ne t'en doutes pas, et moi je le vois, et je me dis: "Si du moins
j'avais ete sacrifiee a son ambition si ma chute servait a edifier son
triomphe! Mais non! elle n'a servi qu'a sa perte, et je suis
l'instrument d'une rivale qui met son pied sur nos deux tetes."
--Que veux-tu dire, insensee? reprit Anzoleto; je ne te comp
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